Notre démarche :
du prix de la nature à la méthode d’évaluation contingente.

La méthode d’évaluation contingente (MEC) s’inscrit dans un cadre plus large d’évaluation économique de l’environnement. « Le prix de la nature » était le point de départ de notre étude suite à la lecture d’un article de Libération lors du procès de l’Erika. L’objectif d’une telle évaluation est d’internaliser les externalités dues à l’environnement. La science économique utilise donc des méthodes pour prendre en compte ce qu’elle ignorait autrefois.

Ainsi la nature s’intègre dans les politiques d’aménagement du territoire par l’utilisation d’analyses coûts-bénéfices grâce aux évaluations économiques. Elles permettent aussi d’effectuer des Payment for ecosystem services, c'est-à-dire le financement de populations vivant dans des écosystèmes locaux menacés pour qu’elles aient intérêt à le préserver, selon l’application du théorème de Coase.

Mais qu’est-ce que le prix de la nature ? Le prix d’un bien ou d’un service de l’environnement est en fait l’agrégation des valeurs différentes valeurs de ce bien. Une typologie des valeurs des actifs naturels a été faite par Krutilla et Weisbrod sous le nom de Valeur économique totale (VET). Cette VET recouvre des ensembles de valeurs qui diffèrent selon les chercheurs et on ne peut lui attribuer une définition rigoureuse. On peut cependant donner les grands traits de cette VET : elle se compose de deux grandes valeurs : les valeurs d’usage (venant d’une implication physique de l’écosystème) et les valeurs de non usage (qui est utilisée de façon indirecte par les hommes).

Une fois la liste de ces valeurs déterminée, il faut leur attribuer un chiffre et pour cela il faut une méthode d’évaluation. Les valeurs étant multiples, les méthodes d’évaluation le sont aussi : en effet elles sont plus ou moins adaptées en fonction du type de valeur à déterminer.

Chacune de ces méthodes est sujette à controverse. Suite à une analyse scientométrique, nous avons décidé d’étudier plus précisément l’évaluation contingente. Cette méthode évalue plus particulièrement les valeurs de non usage d’un actif environnemental, c'est-à-dire des valeurs qui ne passent pas par un marché et n’ayant donc pas de préférences révélées. La MEC est la méthode la plus utilisée et sur laquelle le plus de recherches ont été effectuées ces dernières années.

Justification du sujet par scientométrie.

Afin d’évaluer des biens non marchands, la MEC repose sur la création d’un marché hypothétique où se révèleraient les préférences des agents économiques. On appelle ces préférences, des « préférences déclarées » (vs préférences révélées dans le cadre d’un marché) ; pour cela elle se fonde sur une enquête par questionnaire au cours de laquelle on cherche à trouver le consentement à payer (CAP) ou le consentement à recevoir (CAR) de ces agents économiques pour la préservation ou la restauration d’un bien environnemental. Cette méthode propose donc une transaction virtuelle à des individus sous forme de question de consentement à payer ou à recevoir afin d’évaluer les biens non marchands. Ces montants permettent de déterminer les valeurs des biens ou services d’un écosystème.

Cette méthode présente ainsi l’avantage d’avoir une mise en œuvre demandant peu de moyens techniques à la différence des autres méthodes d’évaluation (il n’y a pas besoin d’un matériel statistique aussi développé que pour la méthode des prix hédoniques…), d’où son succès d’utilisation. Ainsi elle est utilisée non seulement utilisée par des universitaires, mais aussi par la sphère privée ou des institutions publiques majeures telles la Banque mondiale, le gouvernement américain (elle a été confirmé par la législation en 1996 et est utilisée par les départements de l’intérieur et du commerce) ou encore l’OCDE par exemple.

Cependant cette méthode comporte une double difficulté « évaluer sur la base de l’intérêt privé des objets de la sphère publique et obtenir des informations sur les préférences des agents économiques par des enquêtes, autrement dit des discours, plutôt que par l’observation d’actions sur des marchés ». Dès lors, malgré son succès apparent, elle est profondément contestée, tant d’un point de vue théorique que dans sa mise en pratique, du fait de ses nombreux biais. Sa fiabilité et sa validité sont mises en question, puisque les détracteurs de la MEC remettent en cause sa capacité à obtenir des valeurs réelles du CAP.

Dès lors comme l’internalisation d’externalités, que recherche en fin de compte la MEC, est sujette à controverse, c’est toute la théorie de l’économie néoclassique qui est atteinte. En effet la MEC est construite sur les théories néoclassiques. Elle se fonde donc sur une conception utilitariste et non morale. La mise en cause d’une telle méthode est donc un enjeu colossal et complexe, qui pourrait alimenter l’ensemble des sujets de controverse pour des années. N’ayant la prétention de résoudre le problème dans ce site, nous nous pencherons principalement sur les critiques internes adressées à cette méthode.