Dans cette section, nous nous sommes efforcés de présenter l’ensemble des articles publiés par le quotidien depuis le mois de janvier. Une telle exhaustivité a pour but de mettre en évidence les connaissances restreintes sur cette controverse dont peut se targuer un lecteur attentif du Figaro.
Chômage : une baisse record et contestée
FRANÇOIS-XAVIER BOURMAUD.
Publié le 31 janvier 2007
Actualisé le 31 janvier 2007 : 10h28
Passé en un an de 9,5 % à 8,6 %, le taux de chômage provoque une polémique.
FAUTE d'un K.-O. franc et massif contre le chômage, la « bataille pour l'emploi » se jouera aux points. C'est en tout cas un concert de contestations qui a précédé l'annonce d'une nouvelle baisse du taux de chômage à 8,6 % en décembre 2006. En un an, ce sont pourtant 218 600 personnes qui ont officiellement retrouvé un emploi. Avec 2 092 000 chômeurs à la fin 2006, le niveau est ainsi retombé à son plus bas depuis 2000. Et la perspective de franchir prochainement à la baisse la barre des 2 millions de chômeurs n'est plus tout à fait irréaliste. Dominique de Villepin a d'ailleurs annoncé que dans « les mois à venir », le taux de chômage serait ramené « autour de 8 % », ce qui « veut dire que pour la première fois depuis un quart de siècle, nous aurons comblé une partie de notre retard par rapport à nos voisins les plus performants ». De quoi réjouir le premier ministre et son ministre de la Cohésion sociale Jean-Louis Borloo ?
Pas tout à fait. Car dans des proportions presque égales au recul continu du chômage depuis bientôt deux ans, la polémique sur la vérité des chiffres prend de l'ampleur. Une polémique que l'Insee a attisée en repoussant après la présidentielle la publication de l'enquête emploi qui lui sert à recalibrer le taux de chômage. La décision a alimenté les soupçons de manipulation des chiffres, à tel point que des voix se sont élevées hier pour demander la publication de l'enquête, assortie de mises en garde sur les marges d'erreurs. Lors d'une table ronde organisée par l'Association des journalistes de l'information sociale, le directeur général de l'Unedic Jean-Pierre Revoil a jugé la décision « regrettable », trouvé la situation « un peu bizarre et sans précédent » et estimé que « la meilleure solution aurait été de sortir un chiffre provisoire et de le rendre définitif ensuite ». Peine perdue, la chef du département Emploi et Revenus de l'activité à l'Insee, Sylvie Lagarde, a invoqué à nouveau des « considérations techniques » pour expliquer que l'enquête ne pouvait être publiée en l'état.
Ce report a donné du grain à moudre au collectif ACDC (les Autres Chiffres du chômage) qui a publié lundi (nos éditions d'hier) une deuxième note contestant la réalité des chiffres, et notamment celui donné par le baromètre officiel : la catégorie 1.
Du coup, Dominique de Villepin et Jean-Louis Borloo ont fait assaut d'arguments pour tenter d'éteindre l'incendie. « Ces chiffres ne sont pas contestables », a affirmé le premier ministre avant de poursuivre, virulent : « Prenons donc garde à ces polémiques stériles et systématiques : elles nous détournent des vrais débats, elles font le jeu des extrêmes, elles entretiennent un climat de doute et de méfiance qui nous affaiblit. » Jean-Louis Borloo, qui a longtemps attribué le mérite de la décrue à son plan de cohésion sociale, soulignait pour sa part que « si l'indicateur officiel n'est peut-être pas un thermomètre parfait, on ne peut pas nier une tendance fortement orientée à la baisse ». En convaincre les Français sera un enjeu essentiel de la bataille électorale du printemps.
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La vérité sur le chômage
L'éditorial de Nicolas Barré.
Publié le 31 janvier 2007
Actualisé le 31 janvier 2007 : 09h51
Lorsque le chômage baisse et que la polémique sur les chiffres augmente, c'est généralement le signe qu'une élection majeure approche. Cette loi de notre démocratie se vérifie en ce moment, avec des soupçons insidieux de manipulation. Il y aurait un complot pour cacher aux Français la réalité sur le sujet qui, à juste titre, les préoccupe le plus : l'emploi.
Quelle est la vérité ? Elle est d'abord que le thermomètre n'a pas changé depuis 1995. On peut dire qu'il ne mesure pas tout, certes, mais pas qu'il ne mesure que ce qui arrange les gouvernements. C'est bien le même taux de chômage, calculé de la même manière, qui est passé de 9,8 % en 2005 à 8,6 % à la fin de 2006. Nous sommes ainsi revenus au meilleur niveau des années Jospin, et accessoirement sans l'aide de centaines de milliers d'emplois-jeunes. Une nuance à plusieurs milliards d'euros.
Il est vrai qu'il existe d'autres mesures du chômage. Celles-ci n'ont d'ailleurs rien de secret. Elles sont publiées tout à fait officiellement. Or elles disent toutes la même chose : quelle que soit la manière de compter les chômeurs, leur nombre a baissé d'environ 10 % depuis un an. La tendance est donc indiscutable. À cet égard, la polémique sur les radiations montre ses limites : radiations ou pas - et beaucoup sont dues à des chômeurs qui retrouvent un emploi et ne le signalent pas à l'ANPE -, la décrue est réelle.
Un autre mythe voudrait que la baisse du chômage soit la conséquence heureuse du retournement démographique, puisque la génération du baby-boom commence à prendre sa retraite. Sauf que ce retournement, que tout le monde attendait l'an dernier, n'est pas encore intervenu. Il est maintenant reporté à 2015 ! En attendant, la population active française, et c'est une bonne nouvelle sur le plan économique, continue de croître de plus de 30 000 personnes par an.
Alors, oui, le chômage baisse. Mais baisse-t-il assez ? Évidemment non. La France se classe toujours parmi les pays d'Europe où il est le plus élevé. Dans la zone euro, seule la Grèce fait moins bien. Et nul besoin d'être un as de la statistique pour constater combien la peur de perdre son emploi parcourt toutes les couches de notre société, des employés aux cadres supérieurs, entretenant un sentiment de morosité. L'action du gouvernement avec le succès du CNE (45 000 emplois créés), le développement des services à la personne ou la relance de certains emplois aidés n'a pas calmé ces craintes.
Car
la vraie mesure du dynamisme d'une économie, ce n'est pas le taux
de chômage. C'est la proportion de personnes qui travaillent. En
France, elle
est à peine des deux tiers. Tout le défi est de faire en sorte que
cette
proportion se rapproche de ce qui se pratique chez nos voisins. C'est à
cette
condition qu'un pays s'enrichit. En Grande-Bretagne, en Suède ou aux
États-Unis, près des trois quarts de la population travaille. Entre ces
pays,
aux modèles sociaux pourtant très différents, et le nôtre, il y a plus
qu'un
écart statistique. Il y a un monde. Il est temps de le rejoindre.
Les chiffres du chômage contestés de l’intérieur
Le Figaro, 19
avril 2007
Pour la première fois de leur histoire, des statisticiens du ministère de l’Emploi manifestent. Leur revendication ? Que les chiffres du chômage ne soient pas publiés entre les deux tours de l'élection présidentielle. Ce ne sera ni une grève, ni une manifestation. Juste une communication solennelle et un rassemblement informel. Mais c’est le premier dans l’histoire des services statistiques du ministère de l’Emploi.
A midi devant la tour Mirabeau qui abrite à Paris la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère de l'Emploi, une intersyndicale appellera à la non publication des chiffres du chômage du mois d’avril. La raison ? "La sous-estimation considérable du chômage". Pour les statisticiens, le taux publié et commenté mensuellement «ne reflète plus depuis 2005 les évolutions du taux de chômage aux normes du Bureau international du travail (...)», souligne-t-elle. Les prochains chiffres du chômage devraient être publiés le 26 avril, entre les deux tours de la présidentielle.
Prendre ses responsabilités
"Quelques jours avant la sortie des chiffres du chômage à la fin avril, et dans une phase cruciale du débat public, les syndicats du ministère de l'Emploi, de l'Insee et de l'ANPE demandent à leurs directions de prendre leurs responsabilités et de ne pas publier l'estimation mensuelle des chiffres du chômage à la fin avril", précise le communiqué de l’intersyndicale. Et de souligner «la confusion qui sévit actuellement», et d’appeler à «la tenue d'Etats généraux des chiffres du chômage». Fin mars dernier, Eurostat, l'office européen de statistiques, avait déjà relevé les taux de chômage français sur plusieurs mois, et notamment à 8,8% pour le mois de février, contre 8,4% annoncé par le ministère de l'Emploi et l'Insee.
Le chômage baisse, la polémique redouble
François-Xavier Bourmaud, Le Figaro, 27 avril 2007
Le taux de chômage a baissé en mars pour atteindre 8,3%. A une semaine de l'élection présidentielle, la polémique sur l'ampleur du fléchissement a atteint son apogée.
LES CHIFFRES du chômage ont beau devenir compliqués à trier, tous témoignent pourtant d'un recul franc depuis un an, qu'ils proviennent de l'Insee ou d'Eurostat. Alors, certes, la baisse ne rend pas forcément compte de la progression des contrats à temps partiel ou de l'ampleur de la précarité. Mais pas moins aujourd'hui qu'hier! Et ce « chiffre officiel », dont le recul sous la mandature de Lionel Jospin n'avait pas provoqué le même émoi chez les collectifs de gauche, a une nouvelle fois baissé en mars (- 1,4%), faisant refluer le taux de chômage à 8,3 % de la population active, son plus bas niveau depuis 1983. Le mois dernier, 29 500 personnes ont retrouvé du travail, ce qui porte le nombre de chômeurs à 2 036 500 personnes. À noter qu'en mars, le chômage de longue durée a reculé de 3,2 %, celui des plus de 50 ans de 1,8 % et celui des jeunes de 1,4 %. Voilà donc, au terme du mandat de Dominique de Villepin à Matignon, le bilan de sa bataille pour l'emploi. Régulièrement suspecté de multiplier les radiations pour faire baisser le chômage, le gouvernement tient à signaler que le nombre de radiations administratives pour absence au contrôle a reculé de 6,6 % le mois dernier. N'ayant aucune chance de réussir à éteindre la polémique, encore moins à une semaine du deuxième tour de l'élection présidentielle (lire ci-dessous), le gouvernement préfère insister sur la réalité de la baisse.
Plus élevé qu'en Europe
D'après l'OCDE, qui se fonde pour l'Europe sur les chiffres d'Eurostat, le « taux de chômage standardisé » atteignait ainsi 8,8 % en France au mois de février, contre 9,7 % un an auparavant. Soit un recul de 0,9 point sur un an. Pour établir ce chiffre, l'organisme a inclus dans ses calculs les résultats de la fameuse enquête emploi de l'Insee dont les résultats avaient été jugés « incohérents » par l'institut lui-même. Elle faisait état d'un chômage resté stable en 2006 à 9,8 % de moyenne annuelle contre une précédente évaluation à 9,1 %.
Au bout du compte, si l'Insee confirme dans sa dernière note de conjoncture « une baisse du chômage en 2006 », il reconnaît toutefois que « son ampleur exacte est incertaine ». Au-delà de cette polémique sur l'épaisseur du trait, une certitude : le chômage baisse réellement mais demeure plus élevé que dans la plupart des autres pays européens. En Allemagne, par exemple, il a reculé en un an de 8,9 % à 7,1 %. Et quand, sur la même période, ce taux a progressé comme en Grande-Bretagne, c'était pour rester à des niveaux inconnus dans l'Hexagone depuis les années 1970 : 5,4 %.
Or, d'après le directeur général de l'Unedic, Jean-Pierre Revoil, le chômage « va continuer à baisser mais à un rythme moins rapide » en 2007. « Les besoins d'embauche des chefs d'entreprise restent forts, mais la moitié de ces projets de recrutements risquent de ne pas trouver preneurs (...) on touche du doigt le problème français », explique-t-il aujourd'hui dans un entretien à La Croix. Outre ces difficultés des entreprises à recruter, il est un autre aspect du débat que l'élection présidentielle permettra de trancher : celui de la rigidité du marché du travail.
Une polémique savamment entretenue pour culminer avant l'élection
François-Xavier Bourmaud, Le Figaro, 27 avril 2007
Depuis décembre, un collectif de gauche distille des attaques régulières contre les chiffres "officiels" du chômage.
PROXIMITÉ de l'élection aidant, la polémique sur les chiffres du chômage a atteint son paroxysme. Lancée fin décembre par le collectif Les Autres Chiffres du chômage (ACDC), elle s'est traduite hier par un appel à la grève des agents du ministère de l'Emploi et une lettre ouverte à Jean-Louis Borloo signée d'une quarantaine de scientifiques lui demandant de reporter la publication des chiffres de mars, sans oublier l'occupation du toit de l'Unedic.
Créé fin 2006, le collectif ACDC « rassemble des associations, des chercheurs et des syndicats particulièrement bien placés pour porter un regard critique et informé sur ces questions ». On y trouve surtout des organismes proches de la gauche, voire de l'extrême gauche, tels que l'association Agir ensemble contre le chômage (AC !), le Mouvement des chômeurs et précaires (MNCP), le réseau Stop précarité ainsi que les syndicats CGT de l'Insee, le SNU-ANPE et SUD-ANPE. Il est soutenu par de nombreux chercheurs, dont Thomas Piketty, de l'École des hautes études en sciences sociales, qui a apporté son soutien à Ségolène Royal.
Publiant une note chaque mois à la veille de la publication des chiffres officiels du chômage, le collectif a entrepris de démontrer progressivement que les résultats du gouvernement et la réalité du chômage ne pouvaient pas s'apprécier à la seule aune du chiffre mensuel.
Une position récurrente et habituelle en période électorale que l'Insee a cette année involontairement renforcée en reportant à l'automne la publication de l'enquête annuelle qui sert à réévaluer l'ensemble des chiffres. Dans sa première note de décembre, le collectif a commencé par dénoncer « les chômages invisibles », à savoir ces activités réduites non prises en compte dans le baromètre officiel. En janvier, une deuxième note a dénoncé les pressions sur les chômeurs pour les faire sortir de la catégorie de référence et minorer ainsi le chiffre officiel.
«États généraux»
Seulement dans le même temps, la caisse d'assurance-chômage faisait état d'une amélioration de ses comptes, signe, selon Jean-Louis Borloo, de la réalité de la baisse. Si l'Unedic verse moins d'indemnités, c'est bien qu'il y a moins de chômeurs, assurait le gouvernement. Alors en février, le collectif a dénoncé la « dégradation importante » des droits des chômeurs et affirmé que moins d'un sur deux était indemnisé par l'Unedic. Le mois suivant, il s'en prenait à la focalisation politique et médiatique sur un seul chiffre du chômage. Suite logique, le collectif ACDC a annoncé mercredi des « états généraux des chiffres du chômage et de la précarité », le 29 mai à Paris, pour essayer de tout remettre à plat. Et entretenir la polémique jusqu'aux législatives.