Dans cette section, nous nous sommes efforcés de présenter l’ensemble des articles publiés par le quotidien depuis le mois de janvier. Une telle exhaustivité a pour but de mettre en évidence les connaissances restreintes sur cette controverse dont peut se targuer un lecteur attentif des Echos
Taux de chômage : Eurostat place la France en queue de la zone euro
AUTEUR:
LUCIE
ROBEQUAIN
RUBRIQUE:
ARTICLE; Pg.
5 N°. 19890
LONGUEUR: 730
mots
ENCART: L'office statistique européen a corrigé en hausse, vendredi, les chiffres du chômage français depuis mai 2006. Il estime à 8,8 %, et non pas 8,4 %, la proportion des demandeurs d'emploi à la fin février.
La fragilité des statistiques du chômage a poussé l'Insee et l'office statistique européen (Eurostat) à emprunter deux voies opposées qui ne se rejoindront, en principe, qu'à l'automne : l'Institut national de la statistique, dont l'enquête annuelle ne permet pas de confirmer la baisse du chômage constatée par l'ANPE, a décidé de mettre entre parenthèses ses propres résultats. Il continue donc d'enregistrer un chômage en forte baisse, sur la base des seules données de l'ANPE. Vendredi, l'Insee a ainsi affiché un taux historiquement bas de 8,4 %, un niveau jamais atteint depuis juin 1983, en précisant que les chiffres resteraient provisoires jusqu'à l'automne.
Tout juste mieux que la Pologne
Rattaché à la Commission européenne, Eurostat a adopté la stratégie inverse : dans l'attente de données plus fiables, il a révisé le taux de chômage selon les résultats de l'enquête emploi des cinq derniers trimestres, pourtant jugés « incohérents » par ses auteurs. « Dans un souci d'harmonisation européenne, Eurostat a décidé de continuer à utiliser sa méthode habituelle », a résumé l'Insee vendredi. L'office européen a donc corrigé de 0,4 à 0,5 point, vendredi, les données officielles publiées par le ministère de l'Emploi depuis mai 2006.
Selon cette méthodologie, le taux de chômage à la fin février s'élève, non pas à 8,4 %, mais à 8,8 % de la population active. A la fin 2006, il atteignait encore 9 %, soit le niveau trouvé par la droite à son arrivée au pouvoir, en avril 2002. Le taux de chômage a baissé de 0,8 point en un an, et non pas de 1,1 point. La performance apparaît bien médiocre au regard de celle de l'Allemagne qui, sur la même période, parvient à réduire le taux de chômage de 1,8 point. La France se voit ainsi reléguée à la dernière place de la zone euro. A l'échelle de l'Union européenne, elle fait tout juste mieux que la Pologne (11,8 %) et la Slovaquie (11 %).
En pleine campagne présidentielle, cette révision ne fait qu'ajouter aux soupçons qui entourent les chiffres du chômage depuis l'annonce, par l'Insee, du report de son enquête emploi. Ce nouveau rebondissement a été aussitôt exploité par la gauche, l'UDF, les syndicats et les associations de chômeurs, qui ont dénoncé un « maquillage des chiffres ». « Les membres d'Eurostat sont des statisticiens qui ont une déontologie. S'ils publient ces chiffres, c'est qu'ils n'ont pas de doutes sur leur fiabilité », a estimé Pierre Concialdi, responsable du collectif Autres Chiffres du chômage et économiste à l'Institut de recherches économiques et sociales. « L'enquête Eurostat est utilisable et elle présente plus de fiabilité que les chiffres fournis par les sources administratives [ANPE] », a confirmé l'un des responsables d'Eurostat.
Ces chiffres restent cependant, eux aussi, provisoires, les résultats de l'enquête emploi « étant susceptibles d'être révisés en cours d'année ». L'Insee ne compte d'ailleurs pas reprendre à son compte cette nouvelle estimation, qui n'engage que la Commission européenne.
Vendredi, les salariés du service statistique du ministère de l'Emploi (Dares), qui élabore la note mensuelle sur le chômage, parmi lesquels de nombreux chefs de département et sous-directeurs, ont à nouveau réclamé, trois heures durant, la suspension des chiffres du chômage jusqu'à l'automne. La direction, accusée de « mentir » et de « ridiculiser la statistique publique », est restée sur sa ligne. « L'appel à la grève ne devrait plus tarder », augure un statisticien. Un coup dur pour le gouvernement, qui a fait de la baisse du chômage l'un des points forts de son bilan. Au Grand Rendez-vous Europe 1-TV5-« Aujourd'hui en France », Ségolène Royal a, pour sa part, préconisé une validation des chiffres du chômage donnés par le gouvernement par les commissions de l'Assemblée nationale.
Des méthodologies différentes
Eurostat
calcule des
taux de chômage harmonisés pour tous les Etats membres de
l'Union européenne. Il utilise les données nationales en les retraitant
selon
une méthodologie qui se distingue de celle de l'Insee par deux
points principaux : l'office européen prend en compte les chômeurs des
départements et territoires d'outre-mer, ce que ne fait pas l'Insee. Il
considère
aussi que les personnes inscrites à l'ANPE qui ne recherchent pas
activement un
emploi ne sont pas des chômeurs, ce qui permet de compenser en partie
les
effets de la première correction.
DATE-CHARGEMENT:
LANGUE:
FRENCH;
FRANÇAIS
TYPE-PUBLICATION: Journal
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Les Echos, 9 et 10 mars 2007, p.4
Emploi : l’enquête
impubliable de l’Insee évalue le taux de chômage à 9,8% en 2006
L’Insee a présenté les raisons de son report de publication de l’enquête emploi le 8 mars devant le CNIS (Conseil National de l’Information Statistique), qui réunit producteurs et utilisateurs de statistiques.
Pour le PS, plusieurs syndicats et associations, il s’agit d’une manipulation politique pour camoufler une baisse du chômage moins importante que celle annoncée par le gouvernement. Sylvie Lagarde, chef du département « emploi et revenus » à l’Insee.
Stéfan Lollivier, directeur des statistiques démographiques et sociales à l’Insee. Pour eux, les chiffres sont impubliables en l’état.
Chiffres présentés : 9,8% alors que le gvt donne 9,1% de la population active pour 2006. En 2005, l’enquête emploi n’avait modifié le chiffre du gvt que de 0,1%.
Fragilités liées à la collecte des données : enquête en continu depuis 2003
Incohérences : liées à l’écart important entre les créations d’emploi recensées par l’administration et celles qui peuvent être déduites de l’enquête emploi : 70 000 postes en moins dans cette deuxième source. De plus, l’évolution du chômage retrace par le recensement de la population évolue de manière proche de l’estimation gvtale du taux de chômage, alors que l’enquête emploi s’en éloigne.
Philippe Ravelet, directeur adjoint de la Dares (direction statistique du ministère de l’emploi). Selon lui, la mise en œuvre de la convention de reclassement personnalisé, les délais pour se déclarer chômeur auprès de l’ANPE ou la mise en place du suivi personnalisé ont significativement affecté le taux de chômage. Il se pourrait que des personnes se déclarant chômeur auprès de l’Insee ne soient plus comptabilisée comme tel dans les statistiques administratives.
Le personnel de la Dares veut
suspendre la publication des
chiffres du chômage au sens du
BIT
RUBRIQUE:
ENCADRE; Pg.
2 N°. 19879
LONGUEUR: 115
mots
Crédibilité
scientifique.
Réunis en assemblée générale hier, les salariés des services statistiques du ministère de l'Emploi (Dares) ont demandé au directeur, Antoine Magnier, de suspendre la publication des chiffres du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) après que l'Insee s'est déclaré incapable de confirmer la baisse du chômage en 2006.
«
La Dares ne doit pas
engager sa crédibilité scientifique sur des chiffres ne reflétant plus
les
évolutions réelles du chômage », estiment-ils. Si tel était le cas, le
ministère ne publierait plus, jusqu'à l'automne, que le nombre de
chômeurs
en valeur absolue, et non plus le taux de chômage en fonction
de la population active.
DATE-CHARGEMENT:
LANGUE:
FRENCH;
FRANÇAIS
TYPE-PUBLICATION: Journal
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Chiffres en péril
RUBRIQUE:
ARTICLE; Pg. 16 N°. 19879
LONGUEUR:
504 mots
Dans un pays qui n'a que trop tendance à considérer les statistiques comme la forme scientifique du mensonge, trois cas exemplaires viennent aujourd'hui renforcer ce climat de suspicion. D'abord, l'incertitude sur le niveau réel du chômage : l'Insee reporte à l'automne, pour cause d'anomalies statistiques, la publication officielle de l'enquête emploi qui fournit chaque année, en mars, un recadrage du chiffre mensuel (calculé à partir des données de l'ANPE). Or les résultats provisoires de cette enquête indiquent un taux de chômage moyen en 2006 de 9,8 %, alors que le taux publié jusqu'ici était de 9,1 % : tout le discours gouvernemental (repris par l'allocution télévisée de Jacques Chirac) sur la baisse du chômage « à son niveau le plus bas depuis un quart de siècle » est radicalement mis en doute. Dans cette affaire, le trouble vient d'un aveu d'imprécision - ou d'erreur - de la part des statisticiens eux-mêmes.
Deuxième exemple, apparemment anodin mais non moins significatif : la mise en ligne par l'Insee d'un « simulateur d'indice de prix personnalisé », qui permet à tout consommateur de mesurer l'évolution de son propre « panier » d'après la façon dont il répartit ses dépenses sur une douzaine de postes (logement, transport, etc.). Là, le statisticien n'expose pas directement à la contestation l'indice des prix officiel, mais il fournit les moyens de l'individualiser, donc de le relativiser, chacun accordant plus d'importance aux données qui le concernent personnellement qu'à une moyenne nationale.
Troisième cas, celui des chiffres de la délinquance. Les querelles portent moins sur leur véracité que sur leur choix et leur interprétation : faut-il considérer les données globales, plutôt en recul, ou les violences aux personnes, qui progressent ? Dans quelle mesure la délinquance des mineurs est-elle « concentrée » (un petit nombre d'individus étant responsable d'une très forte proportion des délits), ce qui justifierait les propositions de Nicolas Sarkozy pour une sévérité accrue à l'égard des mineurs récidivistes ?
Ce
sont, bien entendu, les chiffres les plus
politiquement sensibles qui sont le plus âprement discutés - ceux qui
concernent l'emploi, le pouvoir d'achat, la sécurité. Cette montée du
doute
traduit certes un louable progrès de l'esprit critique des citoyens
face aux
certitudes assénées par les experts, mais elle présente deux aspects
inquiétants. D'abord, elle brouille le miroir dans lequel une société
se regarde
et se reconnaît : les statistiques sont un des moyens grâce auxquels
elle peut
évaluer ses performances et repérer ses faiblesses, apprécier son degré
d'égoïsme ou de solidarité. Mais, surtout, le mépris des chiffres est
un
puissant allié de la démagogie : il permet à tout politicien en mal
d'agitation
médiatique de dire un peu n'importe quoi et élargit la marge d'impunité
du
mensonge. Notre appareil statistique, dont les bases ont été jetées il
y a plus
d'un demi-siècle, a certainement besoin d'être rénové - mais comme on
restaure
un trésor national.
DATE-CHARGEMENT:
19 mars 2007
LANGUE:
FRENCH; FRANÇAIS
TYPE-PUBLICATION:
Journal
La
communication de l'Insee sous la critique
AUTEUR:
VERONIQUE
RICHEBOIS
RUBRIQUE:
ARTICLE; Pg.
19 N°. 19886
LONGUEUR:
1120 mots
ENCART: Les professionnels pointent un manque de pédagogie et de transparence dans la manière dont l'Insee a communiqué sur le report des chiffres du chômage.
A moins de quatre semaines du premier tour, la polémique sur les chiffres du chômage reportés à l'automne par l'Insee n'est toujours pas éteinte, menaçant de constituer un arrière-plan particulièrement encombrant dans la dernière ligne droite de l'élection présidentielle. L'indépendance de l'Insee, une direction rattachée au ministère de l'Economie et des Finances, est mise en cause. Alors que les politiques crient à la manipulation - ou au complot - les professionnels, eux, préfèrent évoquer une communication de crise menée de façon particulièrement maladroite.
Les faits sont connus. Le 16 janvier, au détour d'une conférence de presse sur le recensement de la population, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) annonce le report de six mois des résultats de son enquête sur l'emploi en France en 2006, c'est-à-dire une fois l'échéance présidentielle passée. Cette enquête actualise chaque année, en mars, les estimations mensuelles du taux de chômage. L'Insee justifie sa démarche par un nombre trop élevé de non-réponses, en particulier en Ile-de-France. Comme on le constate déjà aux Etats-Unis et comme le phénomène sociologique s'amorce en France, de plus en plus de personnes refusent de répondre aux sondages, en particulier dès qu'ils touchent au domaine politique. Le 18 janvier, « Les Echos » publient un article soulevant le report de l'enquête. Le mercredi suivant, « Le Canard enchaîné » s'empare du sujet. Finalement, le 8 mars, devant le Conseil national de l'information statistique, qui regroupe utilisateurs et producteurs de statistiques, l'Insee publie les résultats de son enquête, tout en les jugeant « fragiles » et « incohérents ». Le taux de chômage ressort à 9,6 % en moyenne en 2006, soit 0,7 point au-dessus de la mesure officielle.
Comment réagir ?
Dans un contexte préélectoral explosif, où le mode de calcul des indices (progression du pouvoir d'achat, hausse des prix...) est déjà sujet à caution et où le Premier ministre a fait de la baisse du chômage son engagement clef, le sujet, a priori technique, a pris une résonance particulière. Très vite, le ministère de l'Economie et des Finances s'est vu suspecter d'être intervenu. Les médias s'en sont mêlés, l'Insee s'est empêtré dans ses explications techniques, des informations ont fuité, une crise a germé à l'interne. Qu'aurait-t-il fallu faire ?
« Il fallait expliquer et faire de la pédagogie », répondent, quasiment en choeur, tous les professionnels de la communication de crise interrogés. Mieux, selon Jean-Christophe Alquier, président de l'agence de communication corporate Harrrison & Wolf, la première faute des responsables de l'Insee a d'abord été « de surestimer la connaissance qu'a le grand public de la façon dont travaille l'Insee, c'est-à-dire de la façon dont sont comptabilisés, validés, publiés et enfin communiqués les chiffres de l'emploi. Or, dans ce type de communication officielle, quasi gouvernementale, où tout est censé être normé, encadré, dès qu'il y a un raté, il y a suspicion. »
A l'inverse, l'Insee a opté pour une communication minimale. Il « n'a pas géré la crise, assène Yves Jambu-Merlin, partenaire chez Euro RSCG C&O, en grande partie parce que ses membres ne sont ni préparés ni équipés pour affronter un phénomène de cette ampleur en période préélectorale. Mais, du coup, leur justification donne une impression d'impréparation ou d'improvisation, alors que l'on sait à quel point les statistiques - et a fortiori celles du chômage - prennent une importance capitale en période électorale. De façon involontaire, l'Insee a piégé Bercy.»
Selon les professionnels, il aurait fallu immédiatement prendre le taureau par les cornes. En clair, « distribuer très vite à la presse un dossier d'explication, ouvrir les livres de l'Insee. Voire prendre une pleine page dans les quotidiens ou rédiger une tribune afin de s'expliquer », détaille Jean-Christophe Alquier. « Lorsqu'il y a, comme ici, cafouillage, la première prise de parole constitue la matrice autour de laquelle vont s'organiser toutes les autres communications. On ne se souvient souvent que des premières phrases, des premières images qui peuvent être dévastatrices...» Jean-Pierre Rousset, président de TBWA Corporate, ne dit pas autre chose : « Dans ce cas-là, la seule carte à jouer est celle de la transparence. L'institution aurait été protégée. »
Insuffisance de dialogue
Suffisant ? Yves Jambu-Merlin en est convaincu : « Lorsque l'on est une administration et que l'on sent que l'on risque d'être au centre d'un enjeu électoral, on réagit au quart de tour. Les responsables de l'Insee auraient immédiatement ouvert leurs livres, la polémique serait retombée. Mais en ne gérant pas cette crise, l'institut a ouvert une boîte beaucoup plus menaçante sur un plan politique. » Jean-Christophe Alquier, néanmoins, est plus dubitatif : « L'institution n'est pas incarnée par une personnalité qui aurait pu prendre la parole. Du coup, on n'avait pas l'impression d'avoir affaire à une communication mais à la communication d'un système », juge-t-il. Dans la foulée, le président de Harrison & Wolf pointe l'insuffisance de dialogue entre l'Insee et le ministère de l'Economie et des Finances, « alors que chacun avait intérêt à sauver la face, le ministère de l'Economie et des Finances pour des raisons politiques, et l'Insee pour des motifs évidents de crédibilité. »
Selon Jean-Pierre Rousset, toutefois, le problème dépasse assez largement la simple polémique sur le report de l'enquête « emploi » : « On connaît la méfiance du grand public à l'égard des administrations dont on dit qu'elles sont sous la surveillance des politiques, analyse-t-il. Cette affaire risque d'accroître la suspicion. La bonne solution serait peut-être de faire de l'Insee une haute autorité totalement indépendante et disposant d'une véritable marge de manoeuvre. » Resterait la question de son mode de financement.
Les 4 erreurs de l'Institut
1.
L'erreur politique
consistant à reporter la publication de l'enquête emploi annuelle après
l'élection présidentielle « sur la base de considérations techniques et
en
toute indépendance ».La formulation floue, comme le « timing » choisi -
l'automne 2007 - ne pouvaient que prêter le flanc à la polémique.2.
L'absence
de pédagogie. Il aurait fallu adopter une démarche pédagogique - par le
biais
d'une tribune ou d'une prise de parole - pour expliquer au grand public
les
méthodes de comptabilisation,de validation et de publicationdes
données, ainsi
que le refus croissant des citoyens de répondre aux sondages.3. Le
manque d'«
incarnation » de l'Insee dans une seule personnalité.4. La
communication insuffisante entre l'Institut et le ministère de
l'Economie et
des Finances.
DATE-CHARGEMENT:
LANGUE:
FRENCH;
FRANÇAIS
TYPE-PUBLICATION:
Journal
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