Communautés
Tout d’abord, on remarque que la partition par type de site ne permet pas une catégorisation en véritables commuanutés : il s’agit en majorité d’un magma de blogs, dans lesquels sont dilués les autres genre de sites. La seule exception étant la catégorie des médias, qui reste relativement regroupée (ce qui serait normal pour les grands périodiques qui ont tendance à se reconnaitre entre eux, ce qui n’est pas le cas ici). En effet, presque tous ont les mêmes caractéristiques : ce sont des autorités du corpus , largement plus cités que citant (74 liens entrant pour 6 sortant), et se citant très peu entre eux (16 liens / 9% seulement pour 36 nœuds / 40% du total). Ils sont la principale source d’information des blogs, avec 58 liens, suivis de loin par les pages personnelles. Cela confirme l’impression donnée par la cartographie : selon un mécanisme habituel de la blogosphère, la plupart des articles sont en fait des réactions à du contenu publié dans un média comme le New York Times, Wired, Psychology Today, Salon, etc.
En se penchant sur les types d’acteurs représentés par les sites du corpus, on tombe sur des observations plus intéressantes. On peut notamment observer un sorte de triplet entre les catégories « femmes », « psychologie-sexologie », et « scientifique ».En effet, le premier et le dernier sont particulièrement isolés compte tenu de leur tailles respectives (2 liens entrants, 2 liens sortants pour 8 et 29 nœuds / 9 et 33%). Sans tomber dans le cliché des femmes ne connaissant rien à la science, on peut remarquer que lorsqu’un site féminin évoque une théorie scientifique, elle est rarement accompagnée d’un lien ou même du nom du chercheur. On peut comprendre aussi que les sites scientifiques ne se sentent pas obligés de citer les féminins, qui sont de manière générales peu cités dans le corpus (5 liens entrants).
Il est alors intéressant d’observer que les sites de santé, classés sous « psychologie – sexologie » forment une sorte de pont entre ces deux groupes isolés. Les sites féminins citent en effet principalement ceux de santé (33% de leurs liens sortants), tandis que ceux-ci prennent les sites scientifiques comme deuxième (24% de leurs liens sortants) source de contenu après les neutres (59%). De fait, les sites de sexologie lient les féminins à la fois aux scientifiques mais aussi aux neutres (principalement des grands médias), qui étaient déjà plus cités que les scientifiques (10 liens femmes -> neutres)
Une autre communauté notable est une non-communauté : les féministes sont ici loin de constituer un réseau solide comme on pourrait s’y attendre. En fait, il est déjà étonnant de noter la quasi-absence de ces sites dans le corpus (6% des nœuds), le sujet et les thèses principales qui y gravitent ayant pourtant de grandes implications dans l’image de la femme et de sa sexualité dans la société. En plus d’être rares, les initiatives de s’intégrer à la controverse sont isolées, puisqu’aucun lien interne n’existe à cette communauté. Leur principal point d’intégration dans le corpus sont les sites féminins, qui sont les premiers à les citer (50% des entrants) ; questions sources, ils s‘appuient platement sur les sites neutres (à 60%).
Parmi les non-communautés, on remarque aussi que les sites français sont plus ou moins dans la même situation que les féministes à l’intérieur de la partition du langage. Ils sont rendus peu nombreux par le fait que le livre de Lloyd ayant été publié en anglais et aux États-Unis, il n’a pu avoir le même effet d’étincelle que dans le web anglophone (ce qui est probablement valable pour les autres langages hors l’anglais). Et de même, les initiatives françaises sont très isolées, avec 3 liens internes, mais aussi complètement ignorées puisque absolument pas cités en externe.
Singularités
Parmi les quelques points qui sortent de l’ordinaire dans ce corpus, on trouve le site
overcomingbias, un blog d’économiste qui s’intéresse à la « deuxième vague » de la controverse, mais qui s’inscrit au final presque comme un blog scientifique, si ce n’est ses contacts avec les sites d’érotisme comme earlytobed.wordpress.com.
Le site pandangon.net, qui se présente comme un media gay, mais qui prend sur la controverse (et la plus ou moins sous-controverse de « les hommes riches donnent-ils plus d’orgasmes ») une position iconoclaste par rapport au féminisme et sarcastique en général, un ton unique dans le corpus.
D’autre part, en réalisant ce corpus, je suis tombé sur un certain nombre de pages plus ou moins étranges, sortant de l’ordinaire par rapport à la controverse.
Un topic de forum (isolé dans le corpus) où l’orgasme féminin est posé comme preuve de l’existence de Dieu:
http://www.jeuxvideo.com/forums/1-51-10869476-1-0-1-0-dieu-existe-preuve-oui.htm. La théorie en elle-même n’est pas nouvelle : si l’orgasme n’a pas de raison d’exister, c’est un don de Dieu ne servant qu’au plaisir de la femme. Ce qui est étrange, c’est la manière et le moment dont le sujet arrive, la nature du forum en question (et par conséquent de la discussion qui suit). L’auteur ne semble pas s’appuyer sur une autre ressource du web, poste 1 an après la « deuxième vague » de controverse (2009), et surtout sur un forum adolescent consacré au jeu vidéo. Les réponses qui suivent témoignent plus normalement de l’acceptation générale des théories de l’évolution, avec les quelques déformations habituelles.
Un site féminin (isolé dans le corpus) cite, dans un
article, l’orgasme féminin comme moyen entre autres de choisir le sexe du bébé qui serait conçu par le rapport en question : une absence d’orgasme privilégierait les filles, l’inverse les garçons. Le conseil n’est pas absolument certifié, mais l’idée est intéressante et ne cite malheureusement pas sa source.
Enfin, probablement le plus étrange, une église de l’orgasme a été créée en Suède, Madonna of Orgasm Church, par Carlos Bebeacua, qui considérait simplement que « l’Orgasme, c’est Dieu, l’Orgasme devrait être vénéré », et avait construit son culte autour d’un de ses tableaux, Madonna of Orgasm. Elle gagne sa visibilité sur le web lors de sa bataille pour une reconnaissance juridique en 2008 qui se solde par un échec en 2010. Elle ne semble pas avoir d’autre représentant sur internet que ces
articles et le blog du fondateur, qui ne comprend aucune référence à l’église.
Conclusion de la cartographie du Web
Au final, ce que nous apprennent ce corpus et son analyse est assez trivial, puisque globalement, il s’agit surtout de structures connues et communes d’internet : la polémique se concentre sur les blogs, principalement scientifiques mais diffusé aux sites de santé et indirectement aux sites féminins, les différentes thèses se propagent de manière un peu anarchique, le plus souvent sans lien ou source. En ce qui concerne la communauté scientifique, les observations sont assez décevantes, puisque tous les sites correspondants communiquent sans qu’il soit possible de distinguer des camps correspondant aux différentes théories existantes, et qu’en grande majorité, il s’agit toujours de la polémique centré sur le livre d’Elizabeth Lloyd. On remarque un consensus généralisé (pour tous les types d’acteurs, scientifiques ou non) sur les théories de l’évolution : même lorsqu’on en vient à épouser une conception créationniste, c’est généralement après avoir pris acte des conclusions de l’évolutionnisme et de la théorie du produit dérivé (l’orgasme est adaptativement neutre, il ne « sert à rien », donc c’est un don de Dieu). Globalement, l’hypothèse de base est que l’orgasme rend l’acte sexuel plaisant et favorise donc la reproduction.