D’un point de vue méthodologique “vous avez deux théories qui s’affrontent : l’étude de la dangerosité par migration
et ingestion ou par injection directe.” (voir l’interview de M. Loubry) La méthode de migration et ingestion permet d’observer dans
des conditions proches de la réalité les effets du BPA sur l’organisme. Le problème est que ce type d’études requiert beaucoup de temps
et des financements importants. La méthode par injection directe dans un organe ou un tissu donné comporte le défaut d’introduire le BPA
sans qu’il soit passé par les voies métaboliques normales. Cela risque de provoquer plus facilement des perturbations au niveau de l’organe
ou du tissu cible. Or, la majorité des études scientifiques concernant le BPA fonctionnent par injection directe. Il y a ensuite
extrapolation des données : la plupart des études sont effectuées sur des rats. Or, de nombreuses expertises comme celles de l’INSERM
ou de l’EFSA minimisent les résultats démontrant les effets néfastes et toxiques du BPA (sur la fonction de reproduction, le
développement neuronal, la favorisation de tumeurs...) arguant que ces données ne peuvent être extrapolées à l’homme de manière
satisfaisante. Les études sur l’homme posant des problèmes d’éthique, nous voyons toute la difficulté de résoudre cet aspect de la
controverse.
La pertinence des études est approuvée ou critiquée en fonction du financement de celles-ci. Selon Pierre Meneton,
chercheur à l’INSERM, “il existe un biais majeur dû à la source de financement” (Biofutur, 01/04/2011). Ainsi, il apparaît que
la question du conflit d’intérêt est au centre de la controverse sur les études scientifiques.
Pour RES, toute relation entre un chercheur ou un expert et une industrie fausse de facto l’étude ou une expertise
(réalisée à partir de plusieurs études). A cela, les opposants répondent qu’il est aberrant d’exclure d’une étude un
scientifique pour peu qu’il ait des liens (quelque soit leur nature) avec des industriels si ce scientifique est un spécialiste.
Les conflits d’intérêts potentiels n’enlèvent rien à la compétence du scientifique.
Par ailleurs, l’Etat finance la majorité des études et expertises menées par les instituts nationaux. Par exemple, l’INSERM est
financée par l’Etat quasiment aux trois quarts. Parmi le quart restant, seul 5% du budget provient des industries. Cet argument est
donc à nuancer et n’est pas généralisable.
En effet, il est difficile de retrouver dans les rapports d’expertise les conditions requises pour qu’un article
scientifique soit pris en compte. En général, les études considérées sont celles qui respectent les bonnes pratiques de laboratoire (BPL)
misent en place par l’OCDE. Elles ont pour objectif “d'assurer l'obtention de données d'essai fiables et de grande qualité sur la sécurité
des substances et préparations chimiques industrielles, dans le cadre de l'harmonisation des procédures d'essai aux fins de l'acceptation
mutuelle des données (AMD)”. De plus, obtenir le label BPL est à la charge du laboratoire qui effectue des recherches. Cela entraîne
différentes critiques. La première est que le prix du contrôle pour obtenir le label étant élevé, seules les études à grand budget
peuvent l’obtenir. RES va plus loin: les financements sont importants dans le monde de la recherche surtout grâce à l’aide financière
des industriels ce qui a pour conséquence la dévalorisation du label. La seconde critique est que les BPL soient la référence. Cela exclu
les laboratoires indépendants ou à plus petit budget.
Ainsi, les études scientifiques sur le BPA font l’objet de controverses sur des niveaux différents que ce soit à l’échelle
de l’étude elle-même, de son financement (donc en amont de l’étude), de son exploitation ou de sa prise en compte au sein de la sphère
scientifique et de l’opinion publique (donc en aval de l’étude).