Entretien avec Delphine Chassat de la SACD, collaboratrice de Pascal Rogard

sacd

Rencontrée le 6 Avril 2010,

Défenseur ou opposant à la loi : défenseur de la loi

Fonction-origine : direction des affaires juridiques de la SACD

Date d’entrée, Voie/raison d’entrée dans la controverse : 2007, défense du droit d’auteur, mission de la SACD

Mot clé du discours : pédagogie, droit d’auteur, majorité, cadre juridique,

Documents (écrits, cités, liés) : communiqués de presse de la SACD, écrits de Pascal Rogard
http://www.sacd.fr/Accueil.1.0.html
http://www.rogard.blog.sacd.fr/

Sous controverses abordées : négligence caractérisée, débat public, droit d’auteur, libertés

Positions dégagées :

La philosophie du droit d’auteur à préserver. L’instauration d’un cadre juridique, qui a désormais le mérite d’exister, était nécessaire. Le but de cette loi est une réponde globale permettant de cibler le gros du téléchargement pour que chaque auteur  puisse être défendu. L’aspect répressif est complet mais ce n’est pas fini car il reste le développement des offres légales. Un réel débat a eu lieu, contrairement à ce que de nombreux opposants de la loi prétendent, et il a été très utile dans notre société.  

Questions posées - réponses données  :

  1. Pouvez-vous vous présenter ?

 

La SACD est la plus ancienne des sociétés de défense des auteurs car à l'époque de Beaumarchais les auteurs n'étaient pas rémunérés. Depuis 1777, ils gèrent les droits de tous les auteurs de fiction (spectacle Vivant, audiovisuel). 

  1. Comment avez-vous été  lié au dossier Hadopi ?

 

D. Chassat travaille à la direction des affaire juridiques, a suivi l'aspect législatif, en liaison directe avec P.Rogard, et a suivi ce dossier dès la DADVSI. De plus, P.Rogard est à l'initiative de la riposte graduée. La SACD a été consultée à chaque étape du processus législatif et a mené une réflexion en amont du texte.

  1. Au départ, fallait-il légiférer sur la protection des créations numériques ? Pensez-vous que les politiques ont eu raison d’intervenir sur Internet ?Etes-vous en accord avec la procédure d’adoption de la loi décidée par le gouvernement ?

 

Un cadre juridique était nécessaire et dès l'origine l'objectif est d’en disposer et celui-ci a bien été réalisé par le texte de loi. Un second objectif essentiel est la pédagogie car l'aspect répressif est destiné aux gros uploaders. Il s’agit donc de compléter le dispositif par le développement des offres légales.

  1. Quelles alternatives auraient pu être choisies ?

 

Choisir la licence globale aurait été choisir un modèle où l’auteur perd ses droits exclusifs et menant à l’impasse à cause de la difficulté de mettre en place ce type de système à une telle échelle. Les petits auteurs n'auraient pas de retour convenable et la philosophie traditionnelle du droit d'auteur n’aurait pas été respectée. De plus la licence globale présentait des incompatibilités avec les accords internationaux comme la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques.

  1. Pensez-vous que le dispositif final soit efficace ? Applicable ? Débat-échange sur le contenu de la loi :

 

Juridiquement Hadopi II est totalement viable. C'est un point sur lequel P.Rogard communique beaucoup et qui, finalement, fait plutôt consensus.  Le but est que les gens sachent les conséquences de leurs actes pour les auteurs. Il faut souligner que cela n'empêche pas de développer d'autres formes de création.
Il n'y a pas qu'HADOPI puisque la SACD, qui a aussi des accords avec des acteurs nouveaux, est pour la diffusion de la création dans toutes ses formes sauf si elle va contre le droit des auteurs.
Si un auteur est contre le système classique il peut diffuser comme il veut son œuvre, mais en tant que membre il a des conditions particulières liés aux accords avec les partenaires à respecter..., "on n'est pas là pour empêcher les auteurs de faire ce qu'ils souhaitent mais on les conseille".

Sur l'aspect répressif le dispositif, est complet mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas d'autres pans, l'Hadopi a aussi la mission de la promotion des offres légales,  Tout ne passe pas nécessairement par la loi. Par exemple, le débat sur la loi a déjà permis de faire évoluer les mentalités, de montrer ce qui était légal et ce qui ne l'était pas. Sur une grande partie de ceux qui téléchargent illégalement il y aura un effet bénéfique car pour la grande majorité l'effet pédagogique sera probant.  "Les actions en justice" auront lieu, des suspensions de l'accès internet seront prononcées, cela aura un côté exemplaire et pédagogique aussi. Par conséquent, l'un complétera l'autre.

C'est une réponse globale et on va cibler là où il y a le plus de téléchargements pour avoir un effet de masse dissuasif, pour que tout le monde en bénéficie au bout de la chaîne. Le but est de faire baisser globalement le téléchargement en se basant sur l’effet de masse pour que tout le monde soit gagnant.

  1. Pensez-vous que les citoyens devraient davantage participer au débat ? Comment ?

 

"Pour avoir participer à des débats, les associations de consommateurs étaient présentes à chaque fois que nous l'étions, à tous les stades". Par exemple, la quadrature du net était toujours là. Le débat a eu lieu en interne, dans des colloques, et publiquement, dans les médias donc on peut dire que la démocratie s'est très bien faite. Cependant, les lobbyistes très actifs des associations d’internautes se sont positionnés comme exclus des débats simplement dans le cadre de leur communication.
Le dispositif n'a jamais prévu de traque des internautes car il s’agit simplement de voir s’ils téléchargent. Il existe même la possibilité de contester.
Certes le dispositif peut être contourné, comme tout, mais la majorité ne le fera pas et la loi n'y encourage pas car ça ne deviendra pas plus facile. Pour la minorité on pourra toujours réfléchir à améliorer le dispositif, à ajuster les tirs. Techniquement, il y a certainement des failles mais ce n’est pas  parce qu'il y a des failles que l'on doit abandonner le système.
La SACD attend aussi le décret sur la négligence caractérisée, mais on voit bien ce qu'est la négligence dans d'autres domaines comme l’automobile où l’accident de voiture est fort probable lorsque l’on ne se rend pas au contrôle technique.  Pour savoir comment se protéger, il faut attendre la phase plus technique des décrets qui y répondra. Cette question, ainsi que celle de la coopération avec les fournisseurs d’accès à internet restent posées.  

HADOPI II est sûrement moins liberticide que HADOPI I mais la procédure est plus lourde et l'intervention obligatoire du juge la rendra peut-être moins efficace. Cependant cela reste à vérifier et il est probable qu'un équilibre ait été trouvé grâce au débat.
Globalement c'est un bon système même s’il ne sera pas d'une efficacité absolue. Cependant, comme il y a un comportement déviant, il est important pour les auteurs de rappeler leurs droits. Ceci était nécessaire mais pas suffisant, le débat en lui même a été très utile.

Le 2nd aspect (offres légales)  reste à développer mais il existe déjà et grandit progressivement. Il y a déjà des alternative au téléchargement illégal, la loi peut donc être appliquée dès maintenant car les fichiers les plus téléchargés sont souvent ceux qui sont disponibles sur les plate-formes légales. Etant donné que les choses bougent et que rien n'est totalement fermé, il faut être optimistes car HADOPI a montré que le mouvement va dans le bon sens comme le montre l’extraordinaire et rapide développement de la catch up TV (« télévision de rattrapage » permettant de regarder les films après leur diffusion grâce à des réseaux interactifs). Si l'on se revoit dans un an, le paysage de l'offre légale sera totalement différent. Ainsi, producteurs, auteurs et consommateurs doivent tous être réactifs.

Tout le dispositif est donc objectivement cohérent, cette loi était indispensable et a le mérite d'exister, de faire prendre conscience. Même si les partisans de la loi sont vus comme les « méchants », leur rôle était indispensable.

 

 

>