Entretiens réalisés, accès aux comptes rendus et analyse sémantique :

Une erreur de manipulation a entrainé la publication de versions mal relues des entretiens, nous nous efforçons donc de corriger au plus vite les nombreuses fautes.

-O.Bomsel
-J.Zimmerman de la quadrature du Net
-P.Waelbroeck
-M.Rouquet du parti Pirate
-E.Filliol
-P.Nègre de Universal Music
-P.Aigrain
-M.Majster
-AC.Lorrain
-D.Molko de ABACABA
-J.Pelletier de l'ADAMI
-D.Chassat de la SACD
-Guillaume L (collaborateur de Frank Riester)
-E.Barreiro de l'UFC Que Choisir ?
-P. Bonis du ministère de l’économie numérique
-P.Axe

Les discours : Comment ils nous ont permis d'identifier les axes directeurs de cette controverse ?

A travers notre enquête nous avons pu remarquer dans le discours, dans les mots même de nos acteurs que deux cosmos, deux visions du monde s'affrontaient. Ces deux visions du monde sont en fait ici des visions de la création, du droit d'auteur et de la philosophie d'Internet. Ces oppositions vont être marquées par des mots qui s'opposent radicalement et qui pourtant désigne la même chose. Durant la période de la bataille Hadopi, les deux cosmos s'affrontent se font face et c'est la censure du conseil constitutionnel qui va faire évoluer la position des pro-Hadopi, le Conseil étant l'acteur qui va donner du poids à l'argument des libertés fondamentales porté par les contre-Hadopi.

Il y a une opposition lexicale qui vient recouvrir les deux visions du monde. Ainsi, quand au début de notre enquête on interroge Jeremy Zimmerman de la quadrature du net sur le « téléchargement illégal » il nous répond que la loi lutte contre « le partage d'œuvres culturelles ». Une même action qui porte des mots différents. Maxime Rouquet, opposant à la loi du Parti Pirate considère également que la loi veut « criminaliser le partage d'œuvres culturelles ».

Ces mots, ces expressions sont porteuses du sens que les deux cosmos veulent donner à cette loi et plus largement à la philosophie du droit d'auteur et à la philosophie d'Internet. Ainsi, pour les pro-Hadopi comme Pascal Nègre « la propriété intellectuelle c'est de la propriété » et il faut défendre cette valeur même sur Internet. Pour Maxime Rouquet, il faut « repenser le droit d'auteur » car le précédent a été pensé sur des supports matériels, là où les données sur le web sont immatérielles. On parle alors pour les opposants d'alternatives, comme la « licence globale », un modèle pensé sur cette idée du partage. Pour Danièle Molko, de la société d'édition ABACABA « le métier d'éditeur ne peut pas mourir », « la création est un travail collectif », un travail de dialogue. Pour elle, si les éditeurs disparaissent on va tomber dans un amateurisme pour les œuvres qui seront produites, « on vend des bouts d'âmes » dit-elle, « quand on est artiste, c'est un métier à part entière ». Pour Maxime Rouquet, le système de l'édition est « fermé ».

Cette question du système se retrouve dans la plupart de nos entretiens, ainsi Patrick Waelbroeck voit la loi comme la volonté de sauver le « système de l'industrie culturelle actuelle », pour lui le système est peut-être déjà dépassé par le marché numérique et des groupes comme Google, Deezer, I-tunes ont su « s'adapter au changement ». Cette position est partagée par Edouard Barreiro de l'UFC que choisir. Pour lui la loi est « le choix politique de sauver une industrie à l'heure de la mondialisation », le problème pour lui c'est que ce choix politique est influencé par les lobbies de l'industrie culturelle.

Pour les portes paroles des artistes qui sont pro-Hadopi, les représentants de l'industrie du disque et de la création la licence globale est difficilement applicable, elle pose des problèmes de répartition. Pascal Nègre interroge la pertinence d'un tel système en se demandant « pourquoi pas une licence globale sur la nourriture? », il met de la pédagogie dans son discours en montrant que les maisons de disques réinvestissent l'argent qu'elles gagnent pour permettre à la création de se maintenir. Edouard Bareiro considère que « la licence globale permettrait un tel réinvestissement car on évite les coûts de marketing, de transports, de support dans une économie numérique ».

Derrière ces visions de la création se cachent un projet politique, une opposition entre deux visions d'Internet et de sa législation. Ainsi, Pascal Nègre dit clairement qu' « on ne fait pas ses courses dans la jungle », désignant ainsi le réseau internet comme une zone sans règles véritables, cela renvoie à l'expression utilisée par Nicolas Sarkozy pendant les débats qui considérait qu'il fallait « civiliser le far west ». Pour d'autres acteurs, cette « jungle » est un autre modèle de société, qui a ses règles, ses principes constitutifs comme la liberté, la neutralité du réseau. Danièle Molko parle de « la nécessité d'un cadre », là où Maxime Rouquet considère que les politiques tentent d'accoler des schémas de gouvernance au web qui ne sauraient être les bons, pour lui ils n'ont pas l'intelligence du réseau. Pierre Bonis, assistant technique de Nathalie Kosciusko-Morizet et acteur gouvernemental, « l'État a sa place partout », il considère que la communauté des internautes ne peut être en marge des règles de la société. On voit donc bien dans le discours, ces oppositions entre les partisans du retour des règles de la société sur internet et ceux qui voient internet comme un contre modèle. A travers ces oppositions de mots on voit le débat sur la législation de l'Internet.

La technique qu'il a été difficile à interroger dans son applicabilité est en fait ce qui vient porter le projet politique, le justifier parfois. Ainsi, « la loi ne pourra pas s'appliquer car on saura toujours la contourner », dit Maxime Rouquet et Pascal Nègre dit quant à lui que « la loi sera applicable ». On fait toujours référence à la technique sans l'interroger véritablement, et sans se demander si c'est à elle de guider des actes politiques. La technique reste cette acteur non humain que l'on ne peut citer car personne n'a été un porte parole suffisamment clair sur ses réelles capacités.

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