Entretien avec Jean Pelletier

Rencontré le 2 Mars 2010,

Défenseur ou opposant à la loi : opposant à la loi

Fonction-origine : employé de l’ADAMI mais point de vue personnel

Date d’entrée, Voie/raison d’entrée dans la controverse : dès les premiers débats parlementaires, études de ceux-là et prise de position sur le web

Mot clé du discours : loi trop tardive, phénomène mourant, nouvelle économie du flux, fin du disque, phénomène de société, libertés,

Documents (écrits, cités, liés) : http://jeanpelletier.blogspot.com/

Sous controverses abordées : statut de l’adresse IP, avenir de l’industrie du disque, processus législatif

Positions dégagées :
La loi arrive beaucoup trop tard car le téléchargement par P2P est un phénomène mourant, il aurait fallu légiférer il y a 10 ans. Les parlementaires n’étaient pas suffisamment renseignés pour être capable de légiférer correctement. Le dispositif ne s’appliquera qu’à une très faible part des pirates et pose de nombreuses difficultés techniques. Dans un système qui passe d’une économie du support à une économie du flux il aurait fallu légiférer sur le flux pour rémunérer les artistes. Hadopi ne peut sauver l’industrie du disque car on ne connait pas vraiment la cause de cette crise.

Questions posées - réponses données :

  1. Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Directeur de relations extérieures de l’Adami qui est une société gèrant les droits d’interprétation. C’est la loi de 1985 qui a instauré ces droits voisins. Adami a préféré rester sur la réserve lors du débat HADOPI en soulignant que ce texte ne servait pas à grand-chose pour elle car elle demandait des dispositions permettant de rémunérer les artistes. Vision neutre car ce qui l’intéressait c’est quid de la rémunération des auteurs et artistes. Sur ce sujet, l’Adami ne préconise pas la licence globale mais elle place ses espoirs dans les préconisations de la commission Zelnik (gestion collective).  Donc c’est un avis personnel qui est donné par Jean Pelletier qui a étudié les débats parlementaires et prends régulièrement position sur la toile avec son blog.

  1. Au départ, fallait-il légiférer sur la protection des créations numériques ? Pensez-vous que les politiques ont eu raison d’intervenir sur Internet ?

Oui, il y a 10 ans. Les questions de piratage étaient déjà abordées il y a 10 ans donc il fallait établir une loi en pointant du doigt le piratage et faire lois avec une riposte graduée avait du sens à cette époque. Maintenant ça n’en n’a plus car il s’agit d’une loi qui s’applique à un phénomène mourant car aujourd’hui le P2P n’est plus utilisé.

  1. Etes-vous en accord avec la procédure d’adoption de la loi décidée par le gouvernement ?

Cette procédure a été trop longue et la loi a été votée trop tard. L’adoption de cette loi a rencontré beaucoup de difficultés, même au sein du gouvernement. Le problème est que l’on confie la législation sur des innovations technologiques majeures à des gens qui ne savent pas les utiliser et ne sont pas au courant. Comment comprendre et parler de ce sujet-là sans être dedans ? Il faut que les parlementaires fassent des efforts d’information sur ce sujet.

  1. Pensez-vous que le dispositif final soit efficace ?

Il a fallu 2 ans pour adopter le texte et on est encore dans le décret d’application. On ne sait pas quand les 1ers mails vont être lancés. Au tout début du processus de vote de la loi le piratage existait encore mais maintenant trop tard. On parle de l’Effet gendarme mais vis-à-vis de qui s’appliquera-t-il ? Cet effet ne sera efficace que sur les petits pirates qui travaillent encore sur P2P ce qui est une part très marginale. La loi est donc inapplicable.

  1. A-t-on les moyens techniques d’appliquer ce dispositif ? Pose-t-il des difficultés techniques ?

Tout d’abord il y a le problème de l’adresses IP : l’adresse IP n’a pas de statut donc chacun peut la masquer (il existe même une revue P2P qui explique comment pratiquer le piratage en toute tranquillité or elle n’est pas interdite par la loi). Le dispositif va poser d’autres problèmes. Ce sont les titulaires de droit qui vont devoir traquer les pirates et ils vont scanner que les plus grands artistes. On cible donc les gros artistes contrairement aux objectifs de HADOPI qui voulait sauver la création et notamment les nouveaux artistes. Cette loi manque donc de cohérence. De plus si on est dans un cybercafé il est difficile de savoir qui est responsable, l’internaute ou le propriétaire ? Le mail d’avertissement sera envoyer sur l’adresse mail assigné par les fournisseurs d’accès lors de l’inscription or on ne regarde pas souvent ces adresses  voir même jamais. Il y a aussi un problème aussi d’un point de vue des libertés car parfois il peut s’agir d’un seul membre de la famille qui a piraté et c’est toute la famille qui en paie les conséquences. De plus une telle loi qui menace de couper internet pose problème dans un pays où l’on veut développer le numérique et où internet devient de plus en plus nécessaire pour de nombreuses activités. Qu’est-ce que ce gouvernement qui veut mettre fin à la fracture numérique et valoriser internet (ex impôt sur internet) prône ici ? On pourrait donc mettre en danger une famille à cause de ça ?

  1. Quelles alternatives auraient pu être choisies ?

Il suffisait juste de prolonger la logique de la radio, de la cassette et du DVD. On sort de l’économie du support pour aller dans une économie du flux donc c’est sur le flux qu’il faut légiférer pour la répartition des droits.

  1. Pensez-vous qu’elle sera un remède à la « crise » que traverse l’industrie des œuvres culturelles ? Cette dernière devrait-elle s’adapter au contraire ?

Le disque est aujourd’hui apparenté à un dinosaure car on était dans l’industrie du support et maintenant on entre dans ère de l’immatériel. C’est donc un monde qui est en train de disparaître. La loi hadopi ne pourra pas sauver le marché du disque d’abord parce qu’il y a débat sur la cause de la chute de ce marché. En effet, beaucoup de spécialistes disent que internet est loin d’être la seule cause de cette crise et pointent notamment les prix cher alors que la fabrication à des coûts faibles.

  1. Que pensez-vous de la participation des consommateurs dans le débat ?

Il est difficile de passer outre les associations d’internautes sur un tel sujet. De plus les artistes ont été très instrumentalisés dans le débat. Ils ont tous des idées très différentes. On a affaire avec un vrai phénomène de société donc les points de clivages ne sont pas les mêmes que d’habitude.

 

 

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