Entretien avec Guillaume.L, porte-parole de F. Riester

riester

Rencontré le 15 Avril 2010,

Défenseur ou opposant à la loi : Défenseur de la loi

Fonction-origine : Député, rapporteur de la loi

Date d’entrée, Voie/raison d’entrée dans la controverse : travail parlementaire une fois le projet proposé par le gouvernement

Mot clé du discours : téléchargement illégal, présence de l’Etat, emplois, droit d’auteur

Citations d’autres acteurs : FAI, quadrature du Net, UFC que choisir, gouvernement, opposition parlementaire

Documents (écrits, cités, liés) : http://www.franckriester.fr/site/
documents législatifs (http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r1841.asp)

Sous controverses abordées : négligence caractérisée, droit d’auteur, technique, débat public,

Positions dégagées :

Le débat a eu lieu dans les médias, dans les auditions parlementaires et dans l’hémicycle. Etant donné qu’on ne peut éradiquer complètement le téléchargement illégal et contrôler tout internet et que toute législation surviendra toujours avec du retard, le but est avant tout, pour le gouvernement, de montrer la présence de l’Etat dans ce domaine et de faire peur. Il s’agit également de développer la « seconde jambe d’Hadopi » c’est-à-dire les offres légales en élaborant un cadre propice à ce développement. Enfin, il faut défendre le principe inaliénable du droit d’auteur et penser le numérique dans la continuité de celui-ci.

Questions posées - réponses données :

  1. Pourquoi fallait-il légiférer ? Comment a débuté le débat autour de HADOPI ? Comment avez-vous été lié au dossier ?

 

Le problème du téléchargement illégal n'est pas vraiment récent. Il fallait prendre en compte les résultats du projet de loi DADVSI et des débats parlementaires liés à celui-ci. Cette précédente loi était en effet largement imparfaite et très faible. Le ministère de la culture a donc organisé un ensemble de concertation en recueillant par exemple l’avis des ayants droits, des fournisseurs d’accès à internet et encore des associations de consommateurs. Ce processus a aboutit aux accords de l'Elysée dirigé par D. Olivennes. Il s’agit d’un texte énonçant les principes cardinaux pour lutter contre le téléchargement et d’un compromis solide avec tous les acteurs vers une réponse graduée qui a donné naissance au projet de loi « Création et Internet ». F.Riester s'est intéressé tôt au projet et a été chargé par Jean-François Copé d’animer un groupe de travail de députés UMP dont il a été le rapporteur.

  1.   Quel est votre point de vue sur le débat qui a eu lieu ? Pensez-vous qu’il a laissé tout le monde s’exprimer ? Les opposants aux textes disent en avoir été exclus, qu’en pensez-vous ?

 

On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de débat public ou que le texte n’a pas été réellement débatu à l’Assemblée nationale. En effet, les débats parlementaires ont duré plus de 100 heures rien que dans l’hémicycle, tous les députés UMP n’étaient pas d’accord et l’opposition a joué son rôle. Dans la société civile, il y a eu de nombreux articles de presse et F.Riester a fait plusieurs émissions de télévision face à des opposants virulents.

  1.  Mais les oppositions ont-elles été prises en compte ?

 

Il y a eu plusieurs amendements, des aménagements en termes de libertés et de garanties. F.Riester lui même a proposé des amendements pour plus de liberté. La chose qui a le plus modifié le texte initial est la censure du Conseil Constitutionnel car un second texte venant compléter le premier et repensant la dimension répressive a été rédigé. Dès les accords de l’Elysée les fournisseurs d’accès à internet et les associations de consommateurs ont été appelés dans le débat et pour les deux textes la quadrature du Net et l’UFC que choisir ont été auditionnés par F.Riester et reçus par le gouvernement.

  1.  Croyez-vous vraiment à l'applicabilité et à l'efficacité du dispositif ? Vos objectifs ou votre position ont-ils évolué ? Quel est le but réel de ce texte de loi selon vous?

 

Il est important de souligner qu’aucun projet de loi n'a pour ambition la perfection. Il est très difficile de légiférer dans le domaine des Nouvelles Technologies et le droit a toujours un temps de retard. Néanmoins, avec HADOPI les choses se mettent en place. L'idée n'a jamais été d'éradiquer le téléchargement illégal mais de corriger et d’infléchir cette pratique. Grâce à la réponse et au débat autour de la loi il y a eu une prise de conscience dans l'opinion publique. Les pouvoirs publics  ont montré qu'ils s'intéressaient à la question, qu'ils étaient présents et les mesures vont provoquer une certaine crainte. Il restera toujours des pirates professionnels et des techniques pour le dispositif mais cela restera marginal. Il ne faut de plus pas oublier le développement des offres légales, c’est-à-dire la deuxième jambe de HADOPI énoncé dans le premier texte de loi. D’ailleurs ces offres légales ont augmenté de 50% en 2009 et le but est d’encourager leur développement. Le législateur et le gouvernement ont fait un pari différent de la DADVSI de 2006, misant sur la prévention et la pédagogie. La réponse est graduée (DADVSI était beaucoup plus lourde là dessus : prison, 300 000€ d'amende) et s'adapte à la massivité du téléchargement illégal.

  1. Que répondriez-vous à l'argument de légitimité de l'action de l'Etat dans un contexte libéral ?

 

On légifère certes, mais il n'y a pas de collusion entre majors et pouvoirs publics. Il faut cependant les aider car cela représente des milliers d'emplois et revient à créer un cadre sécurisé et légal. Il faut également défendre une conception du droit d'auteur (au delà des majors). On ne pense pas en effet que le droit d'auteur doit évoluer, s'élargir avec le numérique car il s’agit d’un droit inaliénable.

  1. Que savez-vous du prochain décret d’application ? Comment régler la question de la négligence caractérisée ?

 

C'est une notion assez bordée juridiquement, ce ne sont pas les parlementaires qui ont la main sur ce sujet. Je n'ai pas les informations et je sais simplement que les premiers avertissements seront envoyés d'ici Juillet, on y verra plus clair d'ici l'été. Les décrets prennent du temps, car des consultations sont nécessaires au niveau de la CNIL. L'idée n'est pas de créer un nouveau comité inutile.

  1. Pensez-vous que la loi soit applicable techniquement ?

 

Lors de la rédaction du projet de loi, le gouvernement a en amont demandé à des sociétés de réaliser un certain nombre d’études pour connaitre les solutions techniques existantes et les vérifier.  On parle d'HADOPI comme d'une surveillance des réseaux mais en réalité on surveille les fichiers et non pas les ordinateurs. Il aurait fallu surveiller plus pour une licence Globale qui regarderait tous les échanges de tous les ordinateurs pour opérer la répartition. L'aspect liberticide et Big Borther est agité pour faire peur à l'opinion publique mais il y a des instantes de contrôle comme la CNIL.  On a par contre perdu bataille de la communication quand HADOPI s'est installée dans les journaux à la place du nom officiel" Création et Internet".

 

  1.  Est-ce fini  selon vous? Quelles sont les étapes suivantes ?

Non ce n'est pas fini. Il faudra faire le bilan de la loi, c'est une étape nécessaire car les technologies et le droit évoluent. Il s’agit en effet d’un domaine où tout va tellement vite qu’il faut faire des points étapes. Rien n'est gravé dans le marbre. C’est dans ce cadre qu’a été élaborée la Mission Zelnick. En effet, si on part du postulat qu'il faut favoriser les offres légales, faire des propositions, améliorer l'offre, faire d'internet un relais de croissance : il faut mettre en place auparavant un environnement sécurisé. Aujourd'hui le téléchargement illégal est considéré comme de la concurrence déloyale mais dans un second temps il faut développer le dernier volet d'HADOPI, celui d'adaptation au numérique. La mission Zelnick vient donc dans un ordre cohérent, ce n'est pas un aveu d'échec. Toutes les propositions formulées par celle-ci n'ont de cohérence et d'utilité qu'avec HADOPI I et II qui créent les conditions juridiques pour mettre en place un marché. Organiser ce marché n'est pas du ressort du législateur. Cela fait aussi partie des missions de la HADOPI.

 

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