Commissaire des expositions d'art contemporain débattues dans la controverse, Laurent Le Bon est depuis 2004 responsable de Versailles off, événement d'art contemporain éphémère au Château de Versailles. Il a conçu l'exposition "Jeff Koons à Versailles" avec Elena Geuna, l'exposition "Veilhan Versailles" et s'occupe actuellement de l'organisation de l'exposition "Murakami". Il défend le projet de ces expositions d'art contemporain au Château de Versailles, qui ne témoigne pas de la moindre intention de provoquer ou dénaturer le lieu.
Nous l'avons rencontré le samedi 10 avril 2010. Ce fut l'occasion de lui poser des questions sur sa position à propos de ces expositions et des critiques qu'elles ont généré.
Depuis l'ouverture de l'exposition "Jeff Koons à Versailles", Laurent Le Bon fait d'abord valoir un argument historique au secours des expositions d'art contemporain Château de Versailles. En effet, dans ses introductions aux dossiers de presse des expositions de Jeff Koons et Xavier Veilhan, il présente le Château de Versailles comme un lieu reflétant une "stratification de l'histoire" où les œuvres de périodes successives se côtoient. Laurent Le Bon considère donc que l'introduction d'art contemporain n'est pas problématique puisqu'elle s'inscrit dans la continuité d'un lieu qui a évolué au fil des époques.
Quant au débat esthétique sur le choc probable entre le style classique du Château et les œuvres contemporaines exposées, Laurent Le Bon le conçoit davantage comme un "dialogue".
Les contraintes du Château
Laurent Le Bon explique que les grandes difficultés techniques pour monter une installation d'art contemporain au Château de Versailles résident dans le transport et l'assurance des œuvres exposées. Par ailleurs, la mise en place de l'exposition Veilhan Versailles a nécessité de nombreuses réunions avec les équipes techniques du Château pour respecter les normes de sécurité et de développement durable qui régissent le lieu public. Néanmoins, le commissaire nous explique que ces difficultés étaient moindres par rapport aux limites budgétaires de l'exposition qui disposait d'un apport très faible de la part du Château de Versailles.
La réaction des équipes du Château
La conduite des expositions, d'après Laurent Le Bon, n'a pas suscité l'enthousiasme de l'ensemble des équipes du Château. Les conservateurs du Château de Versailles sont désignés comme les plus réticents au principe même d'introduction d'art contemporain au Château de Versailles, considérant que le Château de Versailles doit refléter l'âge d'or de la fin du règne de Louis XIV. Quant aux équipes techniques, celles-ci étaient plutôt partagées mais bien moins virulentes dans leurs positions.
Le commissaire nous explique néanmoins que le soutien inconditionnel du projet par le "chef" {Jean-Jacques Aillagon} a résolu toute possibilité de non collaboration au sein des équipes.
Enfin, l'organisation de visites guidées par le commissaire des expositions visait à doter les employés et guides du Château d'éléments de réponse et de débat dans le cas de réactions et/ou d'attaques de la part des visiteurs.
Le métier de commissaire d'exposition
Laurent Le Bon définit son métier de commissaire d'exposition ainsi: "raconter des histoires, faire rêver, mettre de l'huile" et mettre des œuvres dans un contexte. Il explique que, selon la disponibilité et les souhaits de l'artiste, leur collaboration peut varier. Dans cette optique, il a pris le parti de choisir un "principe fort" de scénographie pour l'exposition "Jeff Koons à Versailles": une salle, une sculpture. Pour l'exposition Veilhan Versailles, le principe de scénographie fut davantage concerté avec l'artiste car celui-ci était sur place et créait des œuvres in situ.
Bien qu'il n'ait pas conçu ces expositions dans une démarche polémique, Laurent Le Bon ne considère pas que la controverse soit inutile. Il admet qu'elle a apporté aux expositions une couverture médiatique qui a permis d'attirer des publics, ce qu'il juge positivement. En dépit de quelques lettres scandalisées (5 à 10 par jour lors des ouvertures d'exposition), il nous a informé que les statistiques de perception auprès du public ne font pas preuve de réactions violentes à propos des expositions incriminées. Selon lui, l'intérêt principal de cette controverse est d'avoir participé à faire en sorte qu'un maximum de personnes voient les expositions.
Ceci étant, il minimise la portée de cette controverse dans la mesure où des polémiques précédentes au Château de Versailles avaient atteint des conséquences plus graves. Ce fut le cas de l'exposition de robes de mariées dans la Chapelle du Château à l'occasion du Versailles off en octobre 2006 qui avait soulevé les foudres des Versaillais. Ces derniers s'étaient rendus à l'ouverture de l'installation, munis d'encre et de ciseaux, prêts à endommager les installations et les œuvres exposées. Dans ces circonstances, l'ouverture au public de l'exposition n'a jamais eu lieu.
La place de Takashi Murakami après le diptyque Koons-Veilhan?
Laurent Le Bon présente la monographie de l'artiste japonais comme l'initiation d'un nouveau diptyque, sur le même principe que "Jeff Koons à Versailles", à la différence près que Takashi Murakami réalise trois à quatre œuvres spécifiques pour le lieu d'exposition. Artiste pourvu d'une forte renommée internationale, il est toutefois peu montré en France.
Le commissaire nous a annoncé que l'exposition aura bien lieu et que les œuvres comme leurs emplacements sont déjà choisis.