Le dépistage précoce de la
surdité donne le droit de savoir aux parents si leur enfant est sourd
ou non. Ce savoir permet aux parents d’agir face à la surdité de leur
enfant et de choisir entre différents types de prise en charge. Il peut
s’agit de l’appareillage, de l’implantation, du bilinguisme avec la
langue des signes française (LSF) et le langage parlé complété (LPC) ou
bien encore la LSF seule.
Lorsque l’enfant est dépisté aux alentours de
16 mois, les parents doivent agir le plus souvent dans l’urgence
notamment s’ils choisissent l’implant cochléaire puisque celui-ci n’est
efficace que s'il intervient tôt. Le dépistage précoce de la surdité en
revanche donne le temps nécessaire aux parents pour étudier toutes ces
possibilités et choisir sereinement l’avenir qu’ils souhaitent pour eux
et leur enfant.
Ainsi, le dépistage néonatal de la surdité
semble donner plus de liberté, voire même de sagesse, aux parents pour
préparer l’avenir avec leur enfant. Pourtant, ceci n’est possible que
si les parents ont accès à une information diverse et transparente.
Apres le dépistage
A l’annonce de
la surdité de leur enfant, les parents sont confrontés à un choix
difficile. En effet il existe plusieurs types de prise en charge de la
surdité, pas toujours compatibles et relevant de choix de vie
différents pour leur enfant. Des parents entendants apprenant la
surdité de leur enfant sont ainsi amenés à prendre connaissance d’un
monde, d’une culture, de techniques qu’ils ne connaissent pas.
» L’appareillage et l’implantation
Une première option peut être l’implantation ou l’appareillage en fonction du type de surdité.
L’appareil auditif et l’implant cochléaire ont
commun l’ambition de rendre, au moins partiellement, l’audition aux
enfants atteints de surdité.
Pour être efficaces, ces techniques doivent intervenir au tout début de la vie de l’enfant (
voir la page plus tôt dépistés, mieux soignés ? ). Entre 6 mois et un an pour un appareillage, au cours de la première année en ce qui concerne l’implant cochléaire.
» Bilinguisme, LSF et LPC
Les implants et les appareils
peuvent permettre à l’enfant d’acquérir le langage parlé. Toutefois les
enfants appareillés et implantés ne retrouvent jamais une audition
totale. Ils peuvent donc éprouver des difficultés à s’exprimer
facilement et correctement à l’oral. L’accès à la langue parlée est
encore plus difficile pour des enfants non appareillés et rares sont
ceux qui y parviennent.
Un travail de facilitation peut être réalisé avec un orthophoniste ou un éducateur spécialisé.
Certains parents préfèrent apprendre en
parallèle la langue des signes (LSF : langue des signes française) pour
disposer d’un autre mode de communication avec leur enfant. Ce choix
pour le bilinguisme nécessite un important investissement de la part
des parents : il leur faut à la fois suivre une formation à la LSF dans
le cas parents entendants non familiarisés avec cette langue, et faire
suivre une éducation spécialisée à leur enfant.
Une autre option est celle du langage parlé
complété (LPC) : le code LPC permet de recevoir la langue française par
la vue au lieu de l’audition. En cela il diffère de la LSF qui est une
langue à part entière, avec une syntaxe, un vocabulaire propre. Le code
LPC retranscrit en gestes les mots de la langue française. Il se
conçoit donc uniquement comme un complément de la langue parlée et
nécessite également un apprentissage de la part des parents et de leur
enfant.
» LSF seule
Mais certains parents peuvent
également faire le choix de n’apprendre que la LSF à leur enfant pour
respecter son appartenance à une culture et une tradition spécifique à
la communauté sourde.
Il est d’autant plus important alors pour des
parents entendants de se familiariser avec cet univers nouveau et
d’apprendre à maîtriser la LSF.
Dans tous les cas la prise en
charge de l’enfant sourd exige un investissement important de la part
des parents. Les options sont nombreuses. Elles ouvrent des
perspectives différentes en terme de mode de vie pour la famille et
surtout pour l’enfant. Un enfant élevé dans la langue des signes ne
pourra quasiment jamais retrouver le langage parlé à l’âge adulte. Cela
signifie qu’il éprouvera des difficultés d’autant plus grandes à
s’intégrer au reste de la société. Mais un enfant appareillé bilingue
peut également rencontrer des difficultés à trouver sa place entre le
monde des signants et celui des parlants. Le danger principal est de ne
réussir à s’exprimer complètement dans aucune des deux langues.
Les diverses prises en charge relèvent
de conceptions très différentes de l’éducation et de l’intégration de
l’enfant sourd qui elles mêmes sont des sujets incessants de
controverse. Sur la question « faut il implanter » , deux groupes
d’élèves ont travaillé l’année dernière : leurs sites sont consultables
(
les implants cochléaires : vers une objectivité de second degré et
faut-il implanter les enfants sourds) :
- Quelle que soit l’option retenue par les
parents elle sera décisive pour le développement de l’enfant et son
intégration au sein de la société, comme au sein de la communauté
sourde, et ce tout au long de sa vie.
- Quelle que soit l’option retenue, le choix
ne peut pas se « faire à la légère ». Il demande aux parents un temps
d’information, de réflexion et finalement d’apprentissage. Ce temps
sera d’autant plus long que les parents ne sont pas familiarisés avec
le « monde des sourds ».
La liberté de choisir de dépister son enfant pour mieux choisir de son avenir C’est pourquoi certaines associations, notamment l’
AIRDAME,
ont choisi de revendiquer le droit à un dépistage précoce de la
surdité.
Aujourd'hui en France l’âge moyen du dépistage est de 16 mois. Il peut
parfois intervenir beaucoup plus tard encore à l’âge de deux ou trois
ans.
Dans un tel contexte les parents sont souvent contraints de hâter leur
décision et de choisir très vite un mode de prise en charge du handicap
de leur enfant. A 16 mois, il est déjà tard pour appareiller voire pour
implanter : ce constat peut décourager les parents ou au contraire les
pousser à décider très vite de recourir à ces options, sans prendre le
temps de s’informer sur les prises en charge alternatives.
A ce problème s’en ajoute un second :
pendant tout le laps de temps qui s’écoule avant le diagnostic, les
parents sont confrontés à un enfant dont ils ne comprennent pas les
réactions ou les manques de réactions. La surdité peut empêcher
l’enfant de répondre aux stimuli de ses parents. Elle peut porter les
parents à s’interroger sur le comportement de leur enfant. Lorsque le
diagnostic parait enfin il peut apporter un soulagement aux parents,
mais aussi une certaine frustration de ne pas avoir compris plus tôt (
voir la page sur les risques psychologiques liés à l'annonce : et si la connaissance était pire que l'ignorance ?).
A l’heure actuelle plusieurs associations de
parents dont l'UNAPEDA regerttent l'absence dans les centres
spécialisés de structure d’accueil qui puisse expliquer aux parents
l’ensemble des possibilités qui s’offrent à leur enfant (
voir page sur la proximité entre dépistage et implantation).
C’est aux parents qu’il revient de se renseigner auprès des
associations de personnes sourdes, de médecins ou d’autres parents,
selon eux. C’est une démarche longue, fastidieuse qui peut demander
plusieurs mois afin de mûrir un choix de façon satisfaisante. Ces mois
représentent un temps précieux qui n’est pas offert à la plupart des
parents.
C’est ce qui a conduit des associations de parents, de praticiens comme l’
AIRDAME mais aussi l’
UNAPEDA ou
RAMSES a réclamer un dépistage plus précoce de la surdité.
Pour l’AIRDAME ce dépistage ne peut survenir
qu’en maternité, afin d’être absolument certain de toucher l’ensemble
de la population et de déboucher sur une systématisation effective du
contrôle de l’audition.
Après l’accouchement la mère et l’enfant
restent quelques jours à l’hôpital : ils sont alors disponibles pour se
soumettre au test de dépistage. Si le dépistage est programmé à
l’occasion d’un rendez vous ultérieur, on perd la certitude de pouvoir
effectivement disposer de tous les enfants. D’après l’
AIRDAME
l’expérience montre que si le test n’est pas réalisé directement en
maternité, un grand nombre d’enfants ne sont pas présentés au contrôle
ultérieur et ne sont jamais dépistés.
L’éviction du projet de systématisation de dépistage à la maternité par
le rapport du CCNE paru en janvier dernier a été vivement décrié par l’association.
Une pétition est en ligne depuis avril,
réclamant le droit pour chaque parent de savoir dans les jours qui
suivent la naissance, si son enfant est atteint de surdité.
L’
AIRDAME prend
position en faveur d’un dépistage systématisé en maternité mais non
obligatoire, qui laisse aux parents la liberté de choisir que leur
enfant soit dépisté ou non. Pour être vraiment bénéfique ce dépistage
devrait être accompagné de la mise en place ou du renforcement des
structures d'accueil et d'informations à destination des parents, afin
d'armer ces derniers pour pouvoir décider serienement de l'avenir de
leur enfant.