Interview de Pierre-Yves Monleau
Pierre-Yves Monleau travaille actuellement pour trois compagnies du monde de l’éclairage basées à Paris : L’Association Française de l’Eclairage, LUX éditions (site) et le Syndicat de l’éclairage. Il est responsable Environnement et Communication depuis 2004 au sein de l’AFE. L’AFE est une association « militante du bon éclairage » qui œuvre pour la formation et l’information sur l’éclairage, ses techniques et ses applications mais aussi sur tout ce qui touche de près ou de loin à la lumière.
Vous pouvez retrouver l'entretien dans son intégralité et en pdf en cliquant ici.
Résumé de l’entretien
Les informations données par Pierre-Yves Monleau nous ont permis d’une part d’identifier les différents types de lampe et les technologies alternatives à l’incandescence et d’autre part de situer l’acteur AFE dans la controverse.
Tout d’abord, voici un récapitulatif des différentes technologies basse consommation. Il existe trois technologies pour remplacer l’incandescence, appelée à disparaître par pallier tous les ans :
1. L’halogène, une technologie qui explose. C’est une technologie qui produit une lumière identique à une lampe à incandescence classique mais qui consomme moins d’énergie. En effet, de nouveaux systèmes dans l’halogène permettent de récupérer une partie des infrarouges émis pour les renvoyer sur les filaments : la chaleur perdue initialement est donc récupérée ce qui permet une économie d’énergie de 30%. La lampe halogène est un peu plus chère que l’incandescence classique mais possède une durée de vie plus longue (de 2 à 4 ans à raison de 3 heures d’allumage par jour). Les fonctionnalités de l’halogène sont identiques à celles de l’incandescence et ne changeront pas les habitudes des consommateurs. L’halogène est aujourd’hui la solution basse consommation la moins chère du marché.
2. La fluo compacte, alternative controversée. L’avantage de cette solution est qu’elle consomme de quatre à cinq fois moins d’énergie qu’une incandescence classique. Mais est-il possible de calculer ces économies d’énergie ? Pour Pierre-Yves Monleau, le raisonnement est assez simple :« Vous remplacez une lampe qui consomme 100 W par une lampe qui consomme 20 W. Vous payez le kilowatteur 11 centimes d’Euros en France donc le calcul est vite fait. 100W ça veut dire qu’elle consomme 100W en une heure pendant qu’une fluo compacte en consomme 20 en une heure pour une même quantité de lumière donc l ‘économie est cinq fois moindre. En gros si vous remplacez une 10 0W par une fluo compacte de 20W vous économisez 80 Euros en huit ans à la fin de la durée de vie de la fluo compacte car la fluo compacte dure entre huit et vingt ans selon les modèles, l’incandescence un an. »
La fluo compacte est une technologie assez complexe et très controversée. Néanmoins cette image tend à changer aujourd’hui et selon Pierre-Yves Monleau il faut distinguer la fluo compacte ancienne génération très lente au démarrage et émettant une lumière blafarde et la nouvelle génération qui est à 100% de son flux quasi instantanément. Il nous alerte aussi sur le fait que la fluo compacte existe en lumière chaude et en lumière froide ce qui est souvent ignoré des consommateurs. Pour obtenir une qualité de lumière identique à celle de l’incandescence, il faut opter pour une fluo compacte lumière chaude. L’autre facteur important à prendre en compte dans le choix d’une lampe fluo compacte est l’indice de rendu des couleurs, évalué sur une base 100. L’indice 100 restitue 100% du flux lumineux : c’est le cas de l’incandescence et de l’halogène. La fluo compacte possède un indice de rendu des couleurs de 80 du fait d’une réglementation Européenne EUP (Energy Using Products) qui impose 80 minimum pour le marché domestique, justement afin d’éviter les lumières blafardes. Mais le consommateur ne fait pas la différence entre un rendu 80 et un rendu 100. C’est d’ailleurs ce même règlement EUP qui élimine les lampes à incandescence par pallier. Il impose aussi des obligations de marquage : par exemple compter du 1er septembre 2010 les fabricants devront obligatoirement faire apparaître sur l’emballage le temps d’allumage pour obtenir 60% du flux lumineux ou encore la quantité de mercure contenu.
Le seul inconvénient de la lampe fluo compacte est qu’on ne peut pas avoir tout à fait les mêmes usages qu’avec l’incandescence classique puisqu’elle n’est pas adaptable sur un variateur par exemple.
3. La lampe à LED : une technologie qui émerge. La LED est une lampe que l’on paye très cher (30, 40 Euros) mais elle a une durée de vie plus longue, estimée à environ 50 000 heures. Elle permet des économies d’énergie qui sont estimées à environ 80% c’est à dire autant qu’une fluo compacte. Mais Pierre-Yves Monleau reste sceptique face à la LED. D’une part parce que beaucoup évoquent l’argument marketing qu’elle ne contient pas de mercure or le mercure est selon lui un faux problème. D’autre part parce qu’elle est équivalente à une incandescence de 40W , soit une intensité qui constitue un apport lumineux supplémentaire mais non suffisant pour éclairer une pièce.
Qu’en est-il des points sensibles de la controverse ? Quelle est la position adoptée par L’AFE ?
Dans le contexte de la controverse sur les lampes basse consommation, Pierre-Yves Monleau précise que l’AFE est en opposition avec le CRIIREM sur tous les points. Pour rappel, la principale divergence porte sur la mesure des champs électromagnétiques des lampes fluo compactes. Après l’alarmant communiqué de presse diffusé par le CRIIREM en 2007, l’ADEME a chargé l’AFFSET d’établir un protocole de mesure sur les champs électromagnétiques. L’ADEME a rassemblé tous les acteurs ; AFE, CRIIREM, AFFSET et des laboratoires agrées et tous ont validé dans un premier temps le protocole de mesure. Tous les acteurs ont également reconnu que le matériel pour mesurer les champs électromagnétiques ou les courants induits n’existait pas en France.
Face à ce contexte, comment expliquer les différences de résultats entre l’étude du CRIIREM et l’étude de l’AFSSET ? Selon Pierre-Yves Monleau, bien qu’il ne soit pas expert scientifique, le problème viendrait du fait que le matériel utilisé par le CRIIREM n’était pas du tout adapté aux mesures : selon certains laboratoires, la sonde elle même du matériel utilisé par le CRIIREM aurait produit des champs modifiant les mesures à courte distance. Pour l’AFE, il s’agit de minimiser le problème de l’émission des champs électromagnétiques. En effet, la lampe fluo compacte en émet au même titre que tous les autres produits électroniques du type téléphone portable, grille pain etc.
Pour comprendre le problème soulevé par le CRIIREM, il faut savoir que les réglementations Européennes en vigueur fixent des limites pour tous les produits électroniques non collés à l’homme : la norme est de 87 V/ m à 30 cm. Les résultats des études du CRIIREM ont excédé la réglementation européenne puisque les résultats obtenus atteignaient 180 V/m. L’AFE considère que les mesures du CRIIREM n’ont pas d’intérêt et qu’elles sont faussées car le CRIIREM aurait fait des mesures à 5 cm d’une source lumineuse fluo compacte. Or pour Pierre-Yves Monleau ces mesures ont été faites sur des lampes de forte puissance et elles ne prenaient pas en compte les usages des consommateurs : on se trouve rarement à 5 cm d’une source lumineuse.
Finalement, selon Pierre Yves Monleau, le rôle de l’AFE n’est pas d’être pour ou contre une technologie mais d’informer sur les avantages et les inconvénients des différents types d’éclairage. Il précise également que si les résultats de l’étude menée actuellement par l’ADEME (qui devrait bientôt être rendue publique) se trouvent aller dans le sens des hypothèses du CRIIREM, L’AFE rejoindra le CRIIREM. Mais Pierre-Yves Monleau a conclu l’entretien en affirmant qu’il n’avait aucune inquiétude au sujet des résultats qui ne feraient que confirmer les avantages de la technologie fluo compacte.