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Cartographie du Web

 

Dans le cas d’une controverse suscitant de nombreuses publications et réactions médiatiques, la réalisation d’une cartographie peut s’avérer très fructueuse en informations, tant sur le dynamisme du réseau d’acteur que sur le partage des moyens d’information. Le terme « cartographie » signifie, au sens large, l’exposition globale du paysage d’une controverse (acteurs, arguments, relations…). D’où le nom de la discipline dans le cadre duquel nous faisons cette étude : Cartographie de la controverse. Toutefois, au sens restreint, le terme « cartographie » désigne autre chose. C’est la représentation visuelle, sous forme de carte, de l’importance de chacun des acteurs au sein de la controverse. Cette carte peut permettre d’observer la prépondérance d’un acteur, ou d’une catégorie d’acteurs, dans la dimension scientifique, sociale, politique ou économique de la controverse.

 

Il existe plusieurs méthodes de cartographies, parmi lesquelles la scientométrie et la cartographie du web, qui sont les deux procédés les plus utilisés. La scientométrie consiste en une visualisation du dynamisme et de l’influence de chaque acteur scientifique, en fonction du nombre de fois où il est cité par ses confrères dans des publications. La cartographie du web montre la présence (voire l’omniprésence) de chaque acteur ou catégorie d’acteur au sein du réseau internet (par le biais de sites web, forums…).

 

Dans le cadre de notre controverse - les enjeux de la conservation du sang de cordon en France -, nous avons choisi de ne pas employer la méthode scientométrique, car la majorité des publications au sujet du sang de cordon sont réalisées par des chercheurs ou spécialistes étrangers (pour la plupart, américain et anglais), ce qui n’apporte aucune information sur le réseau d’acteurs français.

 

Notre cartographie du web décrit le découpage du réseau internet sur la thématique du sang de cordon. En parcourant les divers sites, nous avons collecté des données statistiques qui, une fois spatialisées grâce à un logiciel, se sont constituées en une sorte de « toile d’araignée ». Cette toile représente le web, chaque nœud symbolise un site, et chaque fil un lien d’un site vers un autre site.

 

La réalisation de cette cartographie du web nous a dévoilé un aspect important de notre controverse : elle nous a permis de distinguer spontanément des catégories d’acteurs. En effet, chaque site consulté renvoie à plusieurs autres sites, via des ressources et des liens. Nous avons ainsi observé que les sites de banques renvoyaient presque exclusivement à d’autres sites de banques, les sites de scientifiques à d’autres sites de scientifiques, et ainsi de suite (avec toutefois une exception : les sites de grand public renvoient à toutes sortes de sites, vulgarisation ou expertise). Par un jeu de couleur, il est possible de visualiser facilement ces catégories. Elles sont au nombre de quatre : les banques, les théoriciens, les praticiens et le grand public. Ainsi, cette cartographie du web nous a permis de justifier le découpage en quatre catégories d’acteurs, que nous avons utilisé en parallèle dans notre démarche.

 

La cartographie du web permet également de visualiser les liens entre ces groupes d’acteurs, ce qui par définition est son utilité première. On peut voir que le grand public (médias, familles, associations, sites de vulgarisation) est en relation avec toutes les catégories d’acteurs, ce qui illustre son manque d’information et sa volonté d’étoffer ses connaissances sur le sujet. A l’inverse, les banques (privées et mixtes, dans la mesure où il n’existe pas de réel site de banque publique) sont totalement isolées des praticiens et des théoriciens, ce qui montre un manque d’ouverture et une volonté de ne pas se mêler aux expertises, en particulier chez les banques privées dont la scientificité est souvent contestée. Entre ces deux extrêmes, on trouve les praticiens (gynécologues, obstétriciens, médecins et chercheurs) et les théoriciens (législateurs, agences et comités), qui entretiennent quelques liens entre eux, ce qui démontre une certaine volonté d’associer les avancées scientifiques et les décisions politiques sur le sujet.

 

Cette cartographie du web nous permet aussi de voir aisément qu’une écrasante majorité des sites internet sont faits par, ou pour, le grand public. Ce qui souligne un paradoxe : ce sont les citoyens qui dominent l’espace médiatique et informatif (en particulier le web), alors que ce sont les spécialistes, en particulier les banques, qui détiennent la plupart des informations. Cette mainmise sur l’information, en particulier chez les banques, s’explique de diverses manières, selon la catégorie d’acteurs concernée. Les banques publiques, incluses ici dans la catégorie théoriciens, souhaitent ne pas divulguer trop d’information sur les avancées concernant la médecine régénérative et l’autologue, de peur que le grand public ne s’oriente préférentiellement vers les banques privées. Quant aux banques privées, elles craignent tout simplement de voir leur justification scientifique s’effriter.

 

Enfin, la navigation internet (nécessaire à l’élaboration de cette cartographie) nous a permis d’effectuer une distinction dans l’emploi des termes relatifs au sujet. Là où le grand public emploie couramment l’expression « sang de cordon », les experts lui préfèrent celle de « sang placentaire ». Ainsi, nous avons choisi de privilégier l’expression « sang de cordon », dans la mesure où celle-ci est la plus abondamment utilisée dans le débat public.

 

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