Comme nous l’avons dit, les banques privées ne sont pas explicitement interdites en France. Cela rend donc possible la création d’une banque privée dans l’avenir, ce qui est souhaité par un certain nombre de personnes, comme l’entreprise Cryosave par exemple. Néanmoins, de nombreuses voix se sont élevées pour s’opposer à la création de tels établissements. Il semble donc exister une controverse autour de la question : Faut-il autoriser les banques privées et mixtes en France ?
Récemment ce débat s’est amplifié. En effet, la révision de la loi de bioéthique prévue pour 2009/2010 est l’occasion de faire évoluer la législation concernant l’implantation des banques privées, en l’autorisant de manière explicite par exemple. Les différentes parties en présence tentent de convaincre le législateur du bien fondé de leur position de manière à faire évoluer la législation dans leur sens. De plus, du fait que le faible nombre d’unités de sang placentaire conservés dans les banques françaises est causé par un manque de financement, les banques privées ou mixtes semblent être une solution adaptée.
Sur cette question de l’autorisation des banques privées et mixtes, les différents acteurs se positionnent contre cette autorisation, d’autres pour et enfin certains adoptent une position intermédiaire.
- Contre cette autorisation les arguments sont :
- Dénonciation du caractère mercantile de ces banques.
D’une part, d’un point de vue éthique, il n’est pas possible de faire commerce de produits du corps humain. Or autoriser ces banques reviendrait à accepter que le sang de cordon est commercialisable. D’autre part, la création de banques commerciales créerait une brèche dans le principe d’anonymat, de solidarité et de gratuité du don.
- Absence d’indications pour les greffes autologues.
Les banques privées autologues vendent de fausses promesses. En effet, actuellement, il n’y a pas d’indications de greffes autologues (voir : utilisation). Ainsi, dans la majorité des cas de greffes autologues réalisées jusqu’à présent, une greffe allogénique aurait été préférable. Dans les autres cas, on constate une équivalence thérapeutique entre les deux types de greffes. Le problème c’est qu’il y a un manque d’information des familles. Par exemple, elles ne savent pas que la conservation autologue de sang placentaire est inutile d’un point de vue thérapeutique. Elles sont alors plus enclines à souscrire aux projets des banques privées, qui usent de la sensibilité à l’égard du futur de leur enfant. Une meilleure information des familles est nécessaire pour qu’elles puissent faire un choix en connaissance de cause.
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- Problèmes de traçabilité et de transparence.
Les banques ne rendent compte de leur agissement à personne, une opacité complète règne sur leurs agissements. Ainsi, on ne sait pas quels sont les critères de qualité qu’elles ont adoptés. De manière plus générale, des doutes sont émis sur la qualité des greffons conservés. En effet, aucune statistique publique n’existe sur le ratio greffons conservés dans les banques privées/ greffons prélevés. Il est supposé généralement que les banques privées proposent une conservation dans 100% des cas. Or, dans le cas des banques publiques, seuls 30% des cordons prélevés sont conservés. En effet, une partie des cordons ne peut être conservée à cause d’une insuffisance de volume ou de nombre de cellules souches ou enfin suite aux tests HLA.
- Possible retentissement sur le lieu de l’accouchement
Une conservation à tout prix du sang de cordon pourrait avoir un impact sur le lieu de l’accouchement. En effet, l’attention portée au prélèvement de ce sang de cordon risquerait de détourner l’équipe soignante des soins à porter à la mère et à son enfant. Or, la mère et l’enfant doivent rester la priorité des équipes médicales au moment de l’accouchement. Par exemple, de manière à réaliser cette collecte les équipes médicales peuvent être amenées à déclencher l’accouchement, et ce au détriment de la santé de la mère et de l’enfant.
- Impossibilité d’avoir une double politique de santé
Un certain nombre d’acteurs, comme Isabelle Desbois, considèrent que les familles ayant conservé le sang de cordon de leur enfant à des fins autologues ne peuvent prétendre, d’un point de vue éthique, bénéficier des cordons à des fins solidaires.
- Cas particulier des banques mixtes, et en particulier du modèle de Cryosave
Le modèle proposé par Cryosave peut présenter des avantages. Mais on ne peut pas compter sur ces cordons, car :
• Création de faux espoirs chez le patient. Le modèle familial solidaire impose qu’on redemande à la famille si elle est toujours d’accord pour donner le sang de cordon de son enfant. Elle a donc la possibilité de refuser. Dans ce cas, on crée de faux espoirs chez le patient, ce qui n’est pas acceptable.
• Aucune connaissance sur la qualité des ces sangs placentaires. Comme on ne connaît pas la qualité des unités de sang placentaires conservées, on ne peut en faire une utilisation judicieuse. En effet, lors d’une greffe, un nombre minimal de cellules souches est requis dans le greffon. Ne connaissant pas le nombre de cellules souches dans ces unités, il est impossible de savoir combien d’unités seront nécessaires pour constituer un greffon.
Autre cas particulier des banques mixtes, le modèle de Virgin. Celui-ci peut être critiqué car
• Une évaluation de l’Agence de Biomédecine a démontré que lorsqu’on ne dispose que de 80% du greffon, le pourcentage de greffons utilisable par rapport aux greffons prélevés tombe de 30% à 18%. Se priver de 20% du greffon revient à perdre du volume et de la richesse cellulaire, 12% des greffons qui auraient pu rentrer dans les critères de qualité en sont alors exclus.
- Pour cette autorisation, les arguments sont :
- Potentialités de la médecine régénératrice.
Les espoirs dus à la médecine régénératrice sont très importants. Il serait ainsi possible de recréer des organes. Par exemple, Nicolas Forraz et Mac Guckin ont crée un morceau de foie en trois dimensions grâce à des cellules souches issues du sang de cordon. A l’avenir il serait possible de recréer différents tissus.
- Respect de la volonté des parents
On ne peut pas empêcher les parents de vouloir conserver le sang de leurs enfants. On doit donner la possibilité aux parents de faire le choix. De plus, il semble hypocrite d’interdire les banques privées en France, sachant que les parents ont la possibilité de faire conserver le sang de cordon à l’étranger.
- Cas particulier des banques mixtes, et en particulier du modèle de Cryosave.
• Augmentation du nombre d’unités de sang placentaire conservées. En effet, comme les unités sont disponibles pour un usage allogénique, les cordons conservés dans les banques mixtes viennent se rajouter aux cordons conservés dans les banques publiques.
• Augmentation du nombre de maternités habilitées à prélever. En effet, Cryosave a des moyens plus importants que l’Etat français. Ils peuvent donc créer un maillage plus serré des maternités. Cela permettrait d’avoir une plus grande diversité dans le registre national.
• Allègement des dépenses de santé par l’Etat. Les coûts de conservation sont supportés dans ce modèle par les familles. Cela permet donc à l’Etat de réaliser des économies.
- Positions intermédiaires
- Autorisation avec des contrôles.
Il n’est pas possible d’interdire les banques privées car cela contreviendrait au principe de la liberté d’entreprendre. Néanmoins il est nécessaire de les contrôler et de leur imposer des réglementations strictes. C’est l’avis défendu par la Commission Européenne. (voir ici)
- Autorisation à titre expérimental des banques mixtes et ajout d’une activité privée aux banques publiques.
Il est possible d’autoriser à titre expérimental l’implantation des banques mixtes, de manière à pouvoir en mesurer les coûts et les bénéfices pour la société. De plus, il peut être intéressant d’ajouter une activité privée aux banques publiques de manière à consolider leur financement. C’est la position défendue par la Sénateur Hermange dans le rapport « Le sang de cordon : collecter pour chercher, soigner et guérir » (rapport d’information numéro 79 2008/2009 ) : « Permettre, à titre expérimental, l’implantation de banques privées respectant les principes de solidarité liés aux greffes de sang de cordon, ainsi que le développement d’une activité privée par les banques publiques afin de consolider leur financement ;»
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