Quels sont les critères d'une maladie dépistable ?



La surdité remplit-elle les critères d’une maladie dépistable de Wilson et Jungner qui servent de référence à l’Organisation Mondiale de la Santé ?

    Alors que pour certains comme l’association RAMSES " l’application des critères de Wilson au dépistage néonatal de la surdité parait tout à fait discutable ", le Comité des ORL et d’autres soutiennent exactement le contraire.

    Les objectifs d’un dépistage

    Le dépistage a tout d’abord un objectif de prévention. Il s’agit de dépister une maladie à un stade où celle-ci ne s’est pas encore manifestée cliniquement. Ainsi, le dépistage doit pouvoir ralentir ou arrêter la progression de cette maladie et ceci avant l’apparition de séquelles importantes, qu’elles soient biologiques, sociales ou psychologiques. Au final le dépistage a donc pour objectif d’améliorer la qualité de vie de la personne dépistée.

Les critères indispensables pour la mise en place d’un programme de dépistage


    Actuellement, en France, seules 5 maladies sont dépistées systématiquement dès la naissance. Elles remplissent toutes les critères définis en 1968 par l’Organisation Mondiale de la Santé, connus sous le nom de critères de Wilson et Jungner.
    Ces critères concernent premièrement le problème de santé à dépister, deuxièmement les tests de dépistage et enfin le programme de dépistage.
 
1. Les critères liés au problème de santé à dépister Ils sont au nombre de cinq :

    1. L’importance du problème pour l’individu et la société.

    Cette importance regroupe les notions de prévalence, de gravité et de perception de la part de la population. Il faut notamment qu’il y ait urgence à dépister en raison de l’évolution rapide de la maladie et qu’un traitement précoce soit nécessaire.

    2. Il faut un minimum de connaissances concernant l’histoire naturelle du problème de santé, notamment son évolution de la phase de latence à la phase symptomatique.

    3. Il faut qu’existe une phase de latence avant la déclaration du problème de santé pendant laquelle le dépistage est possible

    4. Il faut qu’existe et que soit disponible un traitement efficace et acceptée par la population pour ce problème de santé. Pour être efficace, le traitement précoce doit améliorer l’évolution du problème de santé.

    5. Il faut que le choix des sujets qui recevront un traitement soit opéré selon des critères préétablis. Une position claire doit être établie pour les cas limites ou douteux.

    2. Le critère lié au test de dépistage

    Celui-ci est unique : il faut qu’il existe et que soit disponible un test efficace, à savoir, fiable et valide, en plus d'être acceptable par la population pour ce problème de santé. Un test va pouvoir être qualifié de fiable lorsque, dans des situations identiques, il donne des résultats identiques. Un test est valide lorsque ses résultats s'accordent avec les résultats d'un autre examen reconnu comme étant plus exact et plus proche de la vérité. Pour être acceptable par la population, le dépistage se doit d'être simple, rapide, peu douloureux et peu coûteux.

    3. Les critères liés au programme de dépistage Ils sont au nombre de trois

1. Il faut que les services de santé publics soient capables de supporter les coûts liés à ce dépistage, ceux-ci incluant le dépistage, le diagnostic et le traitement. Ainsi, il faut que les coûts liés au dépistage soient inférieurs ou égaux aux coûts rencontrés en l’absence d’un dépistage et les bénéfices doivent l’emporter sur les coûts du dépistage.
2. Les programmes de dépistage doivent respecter les normes éthiques définies par la population.
3. Il faut que les services de santé soient capables de dispenser un programme de dépistage continu et non ponctuel.

    Ainsi, il est nécessaire que la population concernée par ce dépistage soit sensibilisée à l’importance du problème de santé à dépister, à la nécessité du dépistage et aux avantages d’un traitement précoce. Des mécanismes de communication doivent donc être mis en place. Il est donc possible de déterminer dans quelle mesure l’instauration d’un programme de dépistage précoce est nécessaire ou non.

Le dépistage de la surdité rempli-t-il l’ensemble de ces critères ?


    Selon RAMSES, il apparaît qu’au regard de ces critères, un dépistage néonatal de la surdité est difficile à justifier. A l’inverse, le comité des ORL soutient que le dépistage de la surdité à la naissance satisfait tout à fait les critères de l’OMS.

     L’argumentation de RAMSES est la suivante : Tout d’abord, il n’y a aucune urgence vitale en ce qui concerne les nourrissons atteints de surdité et plus encore, il n’existe aucun traitement susceptible de la guérir. Seul un appareillage, comme les implants cochléaires, permet de diminuer les effets de la surdité, mais il ne peut être posé qu’au bout du 4ème mois de la vie du bébé. De plus, les techniques actuelles de dépistage de la surdité sont loin d’être fiables (voir la page sur la fiabilité des tests de dépistage). En effet, sur 10 enfants dépistés sourds, seul un le sera réellement. Parallèlement, le dépistage néonatal de la surdité n’a fait l’objet d’aucune validation de la part de comité éthique (voir le rapport du CCNE) rassemblant l’ensemble des experts nécessaires : médecins, pédopsychiatres, psychothérapeutes…Par conséquent toutes les questions soulevées quant aux effets de l’annonce de la surdité sur le développement psychique de l’enfant sont passées sous silence (voir la page Et si la connaissance était pire que l'ignorance ?). Enfin, tout dépistage néonatal doit être suivi d’une prise en charge et d’un suivi immédiats et adaptés par le personnel nécessaire. Or il s’avère que ce suivi est aujourd’hui impossible en ce qui concerne le dépistage de la surdité en raison du manque de moyens et de personnels (voir les pages sur la prise en charge et le dépistage mène-t-il à l'implantation ? ). Ainsi, la surdité ne peut faire, au regard des critères de Wilson et Jungner, l’objet d’un dépistage néonatal au même titre que les cinq maladies déjà concernées selon RAMSES.

    Le comité des ORL, quant à lui, soutient que s’il n’y a pas une urgence vitale du diagnostique de la surdité, une prise en charge précoce de l’enfant présente des effets indéniables pour son développement cognitif (voir la page : Plus tôt dépisté, mieux soigné ?), à commencer par ses capacités orales, qui seront décisives concernant son intégration au sein de la société et même de sa famille (si elle est entendante, comme dans 90% des cas).
    Par ailleurs, il estime que les techniques de dépistage actuelles ont prouvées leur fiabilité notamment dans les programmes pilotes menés en France dans plusieurs régions. En outre, le succès que rencontrent ces programmes pilotes auprès des parents témoigne d’un accompagnement et d’une prise en charge efficace des parents lors de l’annonce de la surdité de leur enfant.