La fiabilité des tests de dépistage de la surdité


    L'audition de nouveau-né continue à évoluer dans les semaines qui suivent la naissance. De fait, au moment du dépistage en maternité il peut être testé positif alors qu'il n'est pas réellement sourd : c'est ce qu'on appelle un "faux-positif". Il peut aussi exister des "faux négatifs" c'est à dire des enfants dont la surdité n'a pas été dépistée lors du test.
    La présence de ces "faux positifs" et "faux négatifs" entretient un débat autour de la fiabilité des tests de dépistage en maternité. Tandis que certains affirment que le test ne peut pas être fiable s'il est trop précoce, d'autres répondent qu'il est possible de prendre les précautions nécessaires (répétition des tests, alternance des types de test...) pour aboutir à un diagnostic fidèle.


    Pour des raisons évidentes (coût, conséquences psychologiques, …) il est très important que les tests de dépistage de la surdité soit fiables. Or, à l’heure actuelle, la fiabilité des tests par oto-émissions acoustiques (OEA) et par potentiels évoqués auditifs (PEA) n’est pas satisfaisante pour tout le monde, ce qui fait de cette question un élément important de la controverse autour de la systématisation du dépistage de la surdité à la naissance.

    Quels sont les problèmes de fiabilité des tests ?

    La fiabilité d'un test correspond au degré d'adéquation de son résultat avec la réalité. Idéalement, dans le cas du dépistage de la surdité bilatérale, le test serait fiable si tous les nourrissons étaient effectivement sourds lorsque leur test est positif et s’ils ne l’étaient pas lorsque leur test est négatif. En l’absence d’une telle perfection, il peut arriver qu’il y ait des faux-positifs ou des faux-négaitfs.
    On appelle faux-positifs les bébés positifs au test de dépistage de la surdité alors qu’ils ne sont pas sourds. De fait, on annonce à leurs parents que leur enfant est sourd alors qu’il ne l’est pas. A l’inverse, les faux-négatifs sont les bébés négatifs au test de dépistage de la surdité alors qu’ils sont sourds en réalité. Leurs parents pensent donc que leur enfant n’est pas sourd et mettront certainement longtemps à se rendre compte que ce n’est pas le cas.

    Les arguments des acteurs de la controverse

    Les acteurs de la controverse qui s’opposent à la systématisation du dépistage de la surdité à la naissance soulignent que la fiabilité des tests de dépistage effectués dans les deux premiers jours suivants la naissance est insuffisante.
    Parmi eux on retrouve l’UNAPEDA, le CCNE et le Dr Virole. Ils mettent tous les trois en avant le fait que la fiabilité des tests de dépistage de la surdité augmente considérablement avec le temps dans les premiers jours après la naissance. Dans son avis n°103, le CCNE précise par exemple que « le risque de faux positifs (suspicion erronée d’un déficit non réel) est bien plus grand dans les premières heures suivant la naissance de l'enfant. Selon les estimations actuelles, leur nombre est de 1,5 à 5% des cas examinés, à partir de l’utilisation de la méthode des otoémissions acoustiques ; 1% des cas examinés en cas d’utilisation de la méthode des potentiels évoqués auditifs automatisés. Cela laisserait prévoir actuellement de 8 000 à 40 000 suspicions infondées par an en France, c'est-à-dire 90 à 98% de diagnostics erronés de déficience auditive parmi les enfants testés alors que 800 à 1000 par an seront réellement sourds. Ce taux de faux positifs s'effondre lors de la répétition des examens dans les premiers jours ». Il ajoute que « chez le nouveau-né, les conditions optimales d’évaluation des capacités auditives ne se situent qu’après le troisième jour de la vie, et se poursuivent jusqu’au delà de la période néonatale (28 jours) », or les mamans et leurs bébés restent de plus en plus rarement à la maternité plus de trois jours.
    Parmi ceux qui sont en faveur du dépistage néonatal systématique, les associations AIRDAME, ALPC et Cochlée répondent à ces arguments en reprenant les termes utilisés dans l’avis du CCNE : « Ce taux de faux positifs s'effondre lors de la répétition des examens dans les premiers jours ». Pour eux, il suffit donc de refaire passer un second test quelques jours plus tard aux enfants positifs lors du premier test pour réduire considérablement le nombre de faux positifs.
    Ceux qui ont déjà expérimenté le dépistage dans leur hôpital ou leur clinique semblent être de cet avis. Pascal Schmidt par exemple, un ORL qui s’occupe du programme de dépistage au CHU de Reims, souligne qu’avec 4 ans de fonctionnement du programme il a suffisamment de recul pour dire que « le taux d’erreur est infinitésimal ». En effet, sachant que le dépistage tardif s’effectue en moyenne à 18 mois, s’il y avait eu des faux négatifs ils auraient été détectés avec un dépistage tardif, et ça n’a pas été le cas. A la Clinique des Emailleurs à Limoges, sur le millier de nouveaux-nés ayant passé un test par OEA, une quinzaine ont eu un test de dépistage positif, mais ils se sont tous révélés négatifs lors du second test par OEA effectué quelques semaines plus tard. De même, à la maternité de l’hôpital Saint-Hilaire à Agen, en deux ans de dépistage, parmi les 15 bébés négatifs aux OEA dans un premier test revenus pour un second, seul un s’est avéré négatif au test une seconde fois.
   
    En pratique, même si le test par OEA génère un fort taux de faux positifs car les conduits auditifs des nouveaux-nés peuvent être bouchés et il peut rester un peu de liquide dans leurs oreilles par exemple, la reproduction du test quelques jours plus tard ou la réalisation d’un test par PEA en complément permet de diminuer considérablement ce taux. C’est donc la combinaison de plusieurs tests qui permet de rendre le dépistage plus fiable. Selon Pascal Schmidt, les diverses combinaisons des tests par OEA et PEA ont des taux d’erreurs intermédiaires différents mais ont tous des taux finaux identiques et très faibles. La seule différence étant qu’avec les OEA il y a plus de « retest ».
    Le fait d’avoir recours aux PEA à un moment du dépistage accroît sensiblement cette fiabilité car cette technique a une valeur prédictive positive plus forte que celle des OEA, c'est-à-dire que la probabilité pour qu’un enfant dont le test de dépistage par PEA soit positif est plus forte que celle pour un dépistage par OEA.
    De fait, la plupart des programmes de dépistage effectués en France à l’heure actuelle suivent un protocole préconisant un premier test par OEA complété, en cas de doute, soit par de nouvelles OEA puis par un test par PEA automatisé si les doutes se confirment, soit directement par un PEA.
    Néanmoins, le CCNE, même s’il plaide pour l’utilisation de protocoles en deux étapes afin de réduire le nombre de faux-posifitfs, souligne que le recours aux OEA dans un premier temps (choisi le plus souvent pour des raisons logistiques telles que le coût et la simplicité) fait qu’il reste toujours un risque de faux négatifs que la combinaison de plusieurs tests ne peut pas endiguer : les enfants atteints de neuropathie auditive ne seront pas dépistés par la méthode des OEA. En effet, cette pathologie se caractérise à la fois par un déficit auditif et par la conservation des cellules ciliées cochléaires qui vont pouvoir émettre des oto-émissions acoustiques. Le seul moyen de détecter la surdité chez les patients concernés serait d’effectuer directement un test par PEA, solution qui n’est retenue que très rarement en raison du coût de cette technique.