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 Emmanuelle : Quel est votre rôle en tant que personne au sein de l’EFS, votre travail, quelle est votre position en tant que personne sur ce sujet, et quelle est la position plus particulièrement de l’EFS?

 
Isabelle Desbois: Je suis médecin et je coordonne les activités de préparation, conservation, distribution des produits d’origine humaine à usage thérapeutique en dehors du sang. Le sang, ce n’est pas moi qui m’en occupe, mais l’EFS a des activités dans le domaine des cellules et des tissus notamment et prépare ce type de produits pour un usage chez des patients. On a donc 13 établissements en région qui travaillent sur ces sujets, et l’objectif, comme nous sommes un établissement public, établissement unique, l’objectif est de coordonner un peu tout le monde pour que tous les établissements de l’EFS travaillent dans le même sens.
 
E: Les 13 établissements sont donc des établissements de l’EFS?
 
Isabelle Desbois: Oui mais nous ne sommes pas sur des activités de monopole comme c’est le cas pour le sang. En France, l’EFS a à lui seul le monopole de la collecte, préparation et distribution des produits sanguins. Pour les cellules et les tissus, l’EFS n’a pas le monopole et donc il y a d’autres structures qui réalisent ce type de préparation, notamment des hôpitaux et il y a des banques privées pour les tissus: il y a donc un paysage qui est complètement différent. Maisn au sein de l’EFS, on a dans nos 13 établissements, enfin 12 établissements en métropole et un dans les Dom Tom,: 13 établissements avec des plateaux de préparation de cellules et de tissus. Dans ces 12, enfin 13 établissements, il y en a 4 maintenant qui « hébergent » une banque de sang placentaire. Les deux historiques sont Bourgogne - Franche Comté avec le site de Besançon, et l’autre c’est l’établissement Aquitaine - Limousin avec le site de Bordeaux, qui eux font partis des établissements qui ont été impliqués dès la création du réseau français du sang placentaire et qui ont continué depuis à travailler, c’est donc des banques qui depuis 10 ans fonctionnent dans le cadre du sang placentaire.
Il y a deux autres établissements qui ont été intégrés à ce réseau français de sang placentaire c’est l’ETS (Établissement de Transfusion Sanguine) Ile de France avec le site de Créteil et l’ETS Rhône Alpes avec deux sites l’un à Lyon et l’autre à Grenoble. Après, dans le réseau français de sang placentaire qui est géré par l’Agence de la biomédecine, il y a d’autres banques qui ne sont pas à l’EFS mais dont je ne m’occupe pas. Je ne m’occupe que de celles qui sont à l’EFS.
 
E: La banque de Saint louis est-elle dirigée par l’agence de Biomédecine?
 
Isabelle Desbois: Elle est dirigée par Marc Benbunan et l’AP-HP mais tout ça est coordonné par l’Agence de la Biomédecine. On a des réunions communes pour aller dans le même sens, essayer de travailler tous dans le même sens.
 
E: Est-ce que vous êtes aussi coordonné par l’Agence de biomédecine ou vous êtes vraiment indépendant?
 
Isabelle Desbois: Non, non, nous on est coordonnés. Moi, mon objectif en tant que personne responsable à l’EFS, c’est que toutes les structures adoptent une méthode de travail et travaillent de la même manière, les grandes lignes étant fixées par l’Agence de Biomédecine mais après dans le détail des procédures on ne va pas tous faire la même chose à Créteil ou à Saint Louis.
Moi, ce que je veux, c’est qu’au sein de l’EFS on fasse tous la même chose, qu’un produit qui sort d’un établissement d’EFS, on soit sûr qu’il a été préparé exactement de la même manière. Et donc les deux dernières là, ont été intégré en 2009: Créteil est en train de démarrer et Lyon Grenoble ont démarré en janvier 2009. En sachant que pour ces activités de sang placentaire là nous ne sommes pas, j’allais dire, maître du prélèvement, en tout cas ce n’est pas nous qui effectuons le prélèvement, il est effectué dans des maternités par des sages femmes qui sont habilitées. Il n’empêche que le responsable de la banque assume en partie la formation des équipes des sages femmes parce que vous imaginez bien qu’il y a de bonnes pratiques de prélèvements pour que le prélèvement soit de la meilleure qualité, notre objectif étant celui là. Les responsables de banques participent à la formation des sages femmes et des obstétriciens dans les maternités dans lesquelles il y aura des collectes d’organisées et délivrent des habilitations. Une fois que le personnel a été formé, qu’il a réalisé un certains nombres de prélèvements conformes et bien on lui délivre une habilitation, il est habilité ensuite à prélever tout seul sans un tutorat ou sans quelqu’un qui soit lui même habilité à prélever. On n’est pas maître du prélèvement, on ne l’assure pas mais on l’organise: on met en place toutes les procédures pour que tout ce déroule correctement. Une fois que le prélèvement est réalisé, les unités sont amenées à la banque de sang placentaire pour être processées, qualifiées, c’est-à-dire qu’on fait un certain nombre de contrôles dessus, et ensuite enregistrées sur le registre national qui est lui géré par l’Agence de la biomédecine.
 
E: La principale controverse sur ce sujet c’est quand même la conservation doit-elle être faite dans une banque publique ou dans une banque privée, or il n’y a pas de banques privées pour l’instant en France. Avez-vous une opinion là dessus? Personnelle ou celle de l’EFS.
 
Isabelle Desbois: J’ai une opinion oui là dessus. Si vous voulez, L’EFS est un établissement public donc dans cet esprit là il s’est toujours mobilisé pour approvisionner le réseau français de sang placentaire à destination de tous les malades dans un esprit de solidarité comme pour le don du sang, esprit de solidarité, de générosité, de bénévolat, de gratuité, tous ces principes là sont des principes auxquels nous sommes attachés en tant qu’institution. Après moi personnellement, en fait le débat n’est pas tant entre banques publiques et banques privées, que entre conservation à titre solidaire ou conservation à titre personnel, en tant que médecin je considère que la conservation à titre personnel n’a aucun fondement scientifique aujourd’hui et qu’en plus elle peut être délétère pour la conservation à visée solidaire donc il ne faut certainement pas l’encourager, il n’y a pas de justifications scientifiques et elle peut démunir des patients qui en ont vraiment besoin et par ailleurs elle crée une discrimination financière; c’est quand même très gênant de ce dire que seuls ceux qui ont les moyens pourront conserver le sang de leurs enfants et ceux qui ne l’ont pas tan pis pour eux. Mais le problème est ailleurs car les indications dans lesquelles aujourd’hui l’utilisation du sang placentaire a été validées scientifiquement ce sont les greffes de moelle osseuse, c’est-à-dire que pour remplacer les greffes de moelle osseuse, quand on ne trouve pas de donneur, on est amené à utiliser du sang placentaire et, dans ces indications là, le sang placentaire autologue n’a aucun intérêt, on n’ira pas récupérer le sang autologue de l’enfant puisqu’a priori les cellules possèdent la pathologie et que deuxièmement dans la la greffe de moelle la situation allogénique, c’est à dire greffe entre deux individus même s’ils sont identiques sur le plan HLA qui sont les molécules de notre identité biologique, il y a toujours des petites différences sur des molécules qu’on n’est pas capable d’identifier aujourd’hui et ces petites différences vont stimuler le système immunitaire et faire en sorte que la greffe marche mieux. Donc la situation allogénique a un intérêt thérapeutique. Donc vraiment on a aucun argument scientifique après on est sur des hypothèses en disant avec les cellules de sang de cordon demain on pourra faire du muscle du cartilage… sauf que les cellules qui sont dans le sang de cordon qui nous intéressent pour faire ça ce sont des cellules qu’on retrouve chez l’adulte. Donc quel est l’intérêt d’aller stocker ce sang placentaire à des coûts non négligeables puisqu’une fois adulte finalement on les possède dans notre organisme et qu’on pourra les utiliser.
 
E: On n’a en plus aucune confirmation que la conservation ne va pas détériorer les cellules.
 
Isabelle Desbois: Alors ça c’est l’autre argument On a quand même un recul de 20 ans pour les cellules souches hématopoïétiques, on sait qu’une conservation pendant 20 ans dans de bonnes conditions permet encore d’utiliser ces cellules mais sur ces cellules mésanchimateuses notamment qui sont les cellules d’intérêt dans le sang de cordon on ne sait pas du tout on n’a pas le recule pour savoir comment elles se conserveront, on est beaucoup dans les hypothèses et dans des postulats qui n’ont pas été vérifiés sur le plan scientifiques pour l’instant
 
E: En ce qui concerne donc plutôt des banques privées qui pourraient être également à usage solidaire, il y a des banques qui ont à la fois les deux modèles autologue et allogénique alors est-ce que ça ne serait pas une solution pour pallier les problèmes de financement? Finalement les cordons et les enfants qui naissent chaque année ne manquent pas mais on ne peut pas tous les prélever et on n’arrive pas à avoir assez de cordon au final.
 
Isabelle Desbois: Alors le problème des banques solidaires, il y a des modèles en Espagne et en Italie c’est-à-dire que la mère qui accepte de donner le cordon de son enfant, enfin souhaite conserver le cordon de son enfant mais accepte en même temps que ce cordon puisse être utilisé si jamais quelqu’un en a besoin, ces modèles ne fonctionnent pas en Espagne et en Italie et c’est un vrai soucis puisque si on décide de conserver pour notre enfant au moment où il va être utilisable pour un autre patient, on est obligé de revenir vers vous pour vous redemander votre consentement c’est-à-dire que le consentement de départ n’est pas valable ad vitam aeternam. C’est le principe du consentement, il est révocable à tout moment. Donc ça oblige à revenir vers les parents et ça c’est compliqué à gérer parce que les parents peuvent décider que non finalement là ils veulent pas pour des tas de raisons même si il n’y a pas de raison médicales et du coup on fait vivre des espoirs à des gens qui ont besoin d’un cordon pour finalement leur dire que ben non il n’est pas disponible. C’est donc un système qui a énormément de mal à fonctionner. Par ailleurs, une des choses qui est importante me semble t’il c’est la qualité des unités qui sont stockées Dans les banques privées actuellement, même si je ne connais pas très bien, mais en tout cas on voit bien qu’on collecte tout quel que soit la richesse du greffon et on congèle tout, que si les délais d’acheminement sont long a priori il n’y a pas de contrôle; nous on congèle les unités dans les 24h qui suivent le prélèvement, il y a des unités qui peuvent être congelées dans les 48-72h. On congèle, on ne fait pas de contrôles dessus, contrôle de la richesse cellulaire, contrôle bactériologique, contrôle sérologique enfin tous ces contrôles ne sont pas réalisés donc le risque c’est d’avoir des greffons qui ne soient pas de bonne qualité or la qualité est très importante, ça a été démontré dans un certain nombre d’études et en tout cas pour les greffes de cellules souches hématopoïétiques, la quantité de cellules joue un rôle très important et donc si on n’a pas vérifier ces paramètres ben on aura des greffons certes congelés mais avec lesquels on ne pourra rien faire.
 
E: Donc en fait avec les banques privées on a quand même une sorte de double mensonge à la fois sur l’avenir et du fait qu’il manque le contrôle, on ne sait même pas si finalement les cellules seront utilisables.
 
Isabelle Desbois: Exactement, et je reviens aux banques solidaires, moi j’ai du mal à voir comment ça peut fonctionner, c’est très compliqué, c’est-à-dire que soit on accepte, on est dans un principe de solidarité et on donne et on sera bien content le jour où on en aura besoin de trouver un cordon compatible parce que le problème des gens qui banquent une unité dans les banques autologues c’est que si jamais ils ont besoin d’une unité pour leur enfant et que l’unité autologue ne convient pas ils seront bien content d’avoir accès au système solidaire. On ne peut pas avoir de choix multiples en terme de santé. On a des politiques de santé après il faut essayer de s’en donner les moyens. C’est vrai qu’aujourd’hui en France, le stock de greffon est insuffisant. Mais Il ne faut pas oublier qu’initialement, il y a 10 ans, ceux qui ont constitué ce réseau ont décidé de faire des choix de qualité en disant on ne conservera que des greffons de très bonne qualité avec plus de tant de cellules et un volume supérieur à tant de millilitres, ce que beaucoup de banques n’ont pas fait. Aujourd’hui, on a des études qui sortent montrant que la richesse du greffon est un élément important dans la qualité de la greffe et dans la prise de greffe donc on se dit qu’en 1999 on a fait le bon choix sur ces critères là et d’ailleurs un certains nombres de banques y compris des banques publiques sont en train de mettre en place ces critères de qualité. Si on avait banqué tous les cordons depuis 1999 on aurait 20 000 unités en France, donc on serait au même niveau que les autres,ce qui fait qu’on n’est pas au même niveau que les autres c’est qu’on n’a que des greffons très riches et de très bonne qualité et ce choix était un choix pertinent.
 
E: Mais est-ce que l’ouverture de nouvelles banques ne serait pas aussi un avantage?
 
Isabelle Desbois: Alors l’ouverture de nouvelles banques est quelque chose qui a été lancée par l’Agence de la biomédecine, puisqu’il y a eu un appel d’offres en 2007 et il y a quatre nouvelles structures voire cinq qui vont pouvoir banquer des cordons. Donc je vous ai parlé de l’EFS Iles de France pour Créteil, Rhône Alpe avec Lyon et Grenoble il y a le CHU de Montpellier qui est sur les bancs mais qui n’a pas encore ouvert sa banque et il y a le CHU de Poitiers mais qui n’a pas encore ouvert, et puis il y a Marseille à l’institut Paoli Calmettes qui avait initialement fait parti du réseau français de sang placentaire, qui a arrêté et qui souhaite redémarrer cette activité.
En terme de banque , quand on voit ce que ça coûte de mettre en place une telle infrastructure je pense qu’on aura ce qu’il faut avec ça. Après ce qu’il faut créer c’est le réseau de maternités, avoir une représentativité un petit peu de toutes les populations, de toutes les ethnies qui peuvent exister sur le territoire et puis mettre en place une logistique qui fasse qu’on puisse acheminer dans les délais impartis vers les banques autorisées. Mais les structures de banques coûtent chères donc multiplier les banques, aujourd’hui il y a des exigences, des normes européennes de qualité pour préparer ces produits qui font que monter une banque ça coûte très très cher et que l’entretenir ça coûte très très cher et que si on veut la « rentabiliser » et être performant au sens toujours préparer des produits de bonne qualité ben il faut en faire beaucoup. Si on multiplie les banques et que tout le monde en fait un petit peu ça risque d’être au détriment de la qualité des produits, parce qu’on a des contraintes extrêmement fortes en terme de qualité, des produits, de l’environnement en terme du personnel il y a des exigences très très lourdes, donc on ne peut pas non plus multiplier ces structures.
 
E: Est-ce que vous trouver qu’il y a un problème de financement en France sur ce sujet?
 
Isabelle Desbois: Alors oui il y a un problème de financement bien sûr on ne peut pas le nier. La subvention que donne l’Agence de la Biomédecine elle est ce qu’elle est mais c’est 900 000 sur 3 ans et le coût de fonctionnement d’une banque est largement plus élevé que ça donc ça veut dire que les structures et l’EFS notamment, au démarrage du réseau, a participé au fonctionnement de ces banques. Donc, effectivement, il y a un problème financier. Il faut pouvoir apporter des aides, enfin arriver à évaluer exactement combien ça coûte et pouvoir apporter l’aide nécessaire en ciblant sur des banques en disant voilà on vous apporte les moyens mais ça veut dire que vous devez avoir tant d’unités à la fin de l’année qui soient banquées. Aujourd’hui le souhait de l’Agence de la Biomédecine est que chaque nouvelle banque qui est financée, elle inscrive sur le registre France greffe de moelle 250 unités par an. Or il y a des structures qui disent ben moi avec toutes les maternités que j’ai je pourrais en inscrire beaucoup plus que ça donc je sais qu’on va m’en financer 250 et puis le reste c’est de l’autofinancement. Alors i n’y a pas que de l’autofinancement, il faut savoir aussi que quand on cède des unités, il y a un tarif qui a été déterminé et ce tarif permet de faire rentrer de l’argent. Les banques sont au départ déficitaires tant qu’on n’a pas un certain stock de greffon, on n’arrive pas à les greffer et donc on rentre des unités mais on n’arrive pas à en céder autant qu’on devrait en céder pour équilibrer les comptes. A l’EFS, on a constaté qu’on arrivait à l’équilibre à peu près pour chacune des banques au bout de 10 ans de fonctionnement. Donc voilà, pendant les 10 premières années, il faut trouver des financements à droite à gauche et au bout de 10 ans et peut être même avant, je pense que, maintenant que la greffe de sang de cordon est reconnue et qu’il en est utilisé de plus en plus, on peut espérer que l’équilibre de l’activité soit un peu plus précoce mais en tout cas c’est pas au bout de 2 ou 3 ans, c’est clair.
 
 
E: En ce moment, il y a aussi les révisions de la loi de bioéthique, est-ce que vous avez une attente particulière par rapport au sang de cordon un éventuel statut plus précis dans la loi française?
 
Isabelle Desbois: Moi je suis pour qu’on maintienne ce principe de solidarité, je crois que c’est quelque chose de fondamental dans notre société.
 
E: Donc Vous voudriez que dans la loi soit inscrit le fait qu’on n’ait pas le droit d’installer de banques privées en France?
 
Isabelle Desbois: Alors, oui je pense que si on s’organise bien au niveau public, on n’a pas besoin des banques privées. Alors c’est vrai que derrière, ça implique des moyens, que ça implique plein de choses mais si on met le doigt dans l’engrenage des banques privées avec ce que je vous ai raconté, on ne dit pas la vérité aux gens, on mise, on fait des paris sur l’avenir, on fait financer les individus individuellement au détriment de la santé d’un certain nombre parce que quand on banque une unité autologue, peut être que cette unité autologue serait très importante pour un patient qui est en attente de greffe mais elle est banquée pour un individu qui la garde pour lui et celui qui en a besoin risque de mourir d’une maladie. Donc vous voyez c’est ce principe là qui n’est pas acceptable médicalement en tout cas. Moi il me semble qu’il faut renforcer le principe de solidarité, de don, de générosité et de gratuité des éléments du corps humain. j’ai très peur du commerce qui risque de commencer à s’installer sur les produits du corps humain.
 
E: C’est pour ça qu’une législation serait bénéfique?
 
Isabelle Desbois: Je pense qu’il faut encore renforcer même si la loi de bioéthique énonçait déjà un certain nombre de ces principes, je pense qu’il faut les renforcer. La non patrimonialité du corps humain est quelque chose d’essentiel sinon on ouvre les portes à beaucoup de choses, on voit bien sur le sang de cordon on peut faire miroiter des choses aux gens qui croiront, et c’est normal en tant qu’individu quand on n’a pas toutes les connaissances, on se dit c’est miraculeux si on peut faire ça. Et en plus on induit chez les individus qui ne pourraient pas donner pour x ou y, imaginons qu’on ne pourrait pas collecter le sang de cordon à la naissance d’une personne qui voulait qu’on garde le sang de cordon de son enfant, si on ne peut pas le garder il va y avoir une culpabilité, il y a plein de choses autour de ça, je pense qu’il faut arriver à ça se débarrasser de tout ça et vivre dans un système solidaire mais ça veut dire qu’on se donne les moyens de faire fonctionner le système solidaire
 
E: Et est-ce que pour un système solidaire il ne faudrait pas une plus forte campagne de sensibilisation?
 
Isabelle Desbois: Pour la collecte de sang de cordon?
 
E: Oui
 
Isabelle Desbois: Il faut faire attention de ne pas envoyer des messages auxquels on ne pourrait pas répondre. Puisque comme je vous l’ai expliqué quand il y a une banque de sang de cordon il y a tout un travail avec la maternité pour organiser le travail dans la maternité. Pour que les unités collectées soient de bonnes qualité et pour répondre aux exigences, on s’appuie sur une accréditation qui est une accréditation internationale puisque ces unités de sang placentaires voyagent dans le monde entier ou sont susceptible d’aller dans le monde entier. Il y a des critères de qualité qui ont été rédigés au niveau international et donc on s’appuie sur ces normes là pour mettre en place ces banques de sang de cordon. Ça veut dire qu’on a dans la maternité toute une organisation à mettre en place qui prend du temps et qu’on va suivre en plus, une fois qu’on a fait la formation et qu’on a habilité les gens ben on s’en lave pas les mains en disant maintenant c’est bon on reviendra vous voir dans 10 ans, ça veut dire que régulièrement on fait des points avec eux on suit les prélèvements qui sont fait pour vérifier qu’il n’y ait pas une dérive, qu’ils sont de moins bonne qualité, qu’il y ait plus de contaminations bactériologiques ainsi de suite donc il y a vraiment un lien très très étroit avec les maternités. Donc on ne peut pas comme ça du jour au lendemain ouvrir 25 maternités. Ça prend du temps pour chaque banque de travailler avec les maternités, de la former, de la suivre, de l’habiliter. Il ne faut pas faire une campagne en disant donner votre sang de cordon parce qu’on sait qu’on n’est pas capable dans toutes les maternités de France de collecter et de former tout le monde du jour au lendemain mais il n’empêche qu’il faut augmenter le nombre de maternités, et on s’y atèle, qu’il faut sans doute réfléchir à avoir une maternité par département ou par région qui soit reliée à une banque et qui collecte du sang placentaire pour que les gens qui veulent donner puissent le faire. Là il y a quelque chose à réfléchir, on a sans doute pas encore trouvé la bonne organisation mais on est prudent sur les informations qu’on diffuse en incitant au don de sang de cordon, parce que on va incité les gens, et on s’aperçoit que globalement les gens sont généreux, les femmes vont aller dans leur maternité où elles ont prévu d’accoucher et puis on va leur dire ben non nous on n’est pas habilité à prélever donc on va décevoir des gens qui ne comprendront pas et ça il faut faire très attention c’est pire que tout.
 
E: Oui, parce que justement comme on fait les différentes parties de la controverse, j’ai regardé les forums internet et on voit que les mères sont frustrées de ne pas pouvoir donner quand elles sont au courant de cette possibilité.
 
Isabelle Desbois: Bien sûr. Voilà. Il faut gérer ça, on sait déjà qu’il y a des gens qui sont sensibilisés, qui sont près à donner donc il ne faut pas faire de l’information à tord et à travers sinon on risque d’avoir un retour de bâton encore plus lourd à gérer, à mon avis. Et c’est vrai que pour l’instant on a du mal à voir comment on pourrait organiser ça le mieux possible. Pour répondre à l’attente des gens.
 
E: J’ai une question par rapport à la greffe de moelle osseuse. Il y a un pays d’Asie qui envisage qu’à terme la greffe de sang de cordon remplace quasiment totalement la greffe de moelle osseuse. Est-ce que vous pensez que c’est possible en France?
 
Isabelle Desbois: Je pense qu’on en est encore un petit peu loin. Il faut savoir que dans les pays d’Asie, au Japon notamment, il y a très peu de diversité HLA. Alors déjà en terme de greffe, ils trouvent plus facilement des donneurs de moelle et pour les sang de cordon effectivement ils greffent très facilement avec des sang de cordon puisqu’on fait un petit peu moins attention aux HLA et donc là du coup tous les greffons sont compatibles. C’est vrai que c’est des solutions plus simples pour des greffeurs de moelle: l’avantage du sang de cordon c’est qu’il est disponible beaucoup plus rapidement qu’un donneur volontaire de moelle car un donneur volontaire de moelle il s’est inscrit sur un registre il y 2, 5, 10 ans, on le remobilise 2 ans ou 10 ans après, il faut revérifier qu’il rentre bien dans les critères de sélection, il faut refaire un certain nombre de contrôles ça prend entre 2 et 3 mois avant de pouvoir le prélever. Une unité de sang placentaire, elle, est congelée, elle est dans une cuve, elle peut être disponible dans la semaine qui suit, c’est une facilité. En terme de résultat à long terme, on n’a pas encore tous les éléments pour dire aujourd’hui que c’est strictement identique même si les résultats à court terme montrent que c’est équivalent. Il n’empêche que en France et dans un certain nombre de pays le premier choix est d’abord un donneur vivant de moelle osseuse et ce sont des choses qui ont été écrites là encore dans des recommandations de la communauté internationale pour la pratique de la greffe de moelle osseuse. On choisit d’abord un frère ou une sœur, si y a pas de frères ou de sœurs, on va sur les registres de donneurs volontaires de moelle osseuse, si on trouve pas dans ces registres, on cherche un sang de cordon.
 
 
E: En ce moment, il n’y a pas de simultanéité, on ne fait pas les recherches en même temps?
 
Isabelle Desbois: Non, alors même si on les fait en même temps le choix se fera comme ça pour le clinicien, le choix est prioritaire sur le donneur vivant.
 
E: Vous parliez des accréditations internationales, est-ce que vous êtes dans un réseau international?
 
Isabelle Desbois: Bien sûr, c’est l’intérêt de l’Agence de la Biomédecine, elle essaye de coordonner tout le monde et de faire que toutes les banques en France respectent ces critères puisque, l’Agence de la Biomédecine gère le fichier et pour pouvoir exporter ces sang de cordon, il faut faire partie des réseaux, il faut répondre à toutes ces exigences de qualité et donc évidement nous participons à ces réseaux. Et donc les normes d’accréditations qui s’appliquent sont les Fact Netcord avec la banque de Besançon qui a été la première en France à être accrédité, la banque de Bordeaux est en cours d’accréditation et les deux autres banques qui viennent de s’intégrer de l’EFS mettent tout en place aujourd’hui pour répondre aux exigences du fact Netcord. Mais on sait qu’il faut environ deux ans pour arriver à l’accréditation, une banque qui commence l’accréditation, il lui faut deux ans pour arriver à tout mettre en place et à répondre à toutes les exigences du fact Netcord.
 
E: Est-ce que, j’avais cru comprendre que le fact Netcord est une accréditation américaine…
 
Isabelle Desbois: Oui qui a été écrite en grande partie par les américains.
 
E: Mais elle n’est pas plutôt orientée au départ vers justement les banques privées?
 
Isabelle Desbois: Non, non parce qu’elle est très exigeante et on voit bien que les banques privées ne respectent pas ça. Alors certaines banques privées, pour pouvoir avoir une autre image, en tout cas aux Etats-Unis, demandent une accréditation fact Netcord et ça, ça peut être un gage de qualité, c’est-à-dire que si elles respectent tous les critères qui sont exigés dans le fact Netcord, on peut penser que ces banques là sont un peu plus sérieuses que les autres.
 
E: On voit qu’en France il y a quelques femmes quand même qui partent accoucher dans les pays frontières justement pour donner leur sang de cordon dans des banques privées, est-ce qu’il y a une solution à ça?
 
Isabelle Desbois: Le problème voilà, c’est qu’après c’est un choix personnel et il faut que les gens assument leur choix personnel. Je crois que c’est, on fonctionne sur un autre mode en France, si on décide de se soigner autrement et bien il faut assumer les conséquences de ses choix. C’est ce que je vous disais tout à l’heure, on est tous très content d’avoir la sécurité sociale en France et on est tous près à râler quand la sécu ne fait pas ce qu’il faut. Mais donc pour les banques de sang de cordon, on peut pas d’un côté mettre le sang de cordon de son enfant dans une banque privée en disant personne n’a le droit d’y toucher et si j’ai besoin d’une greffe, je fais appel au réseau solidaire. Ce n’est pas logique: il faut assumer ses choix et à partir du moment où les gens mettent leur sang de cordon dans une banque privée, il faut qu’ils agissent en conséquence et qu’ils aillent accoucher ailleurs s’ils le souhaitent.
 
E: Est-ce que vous savez si pour l’instant en France il y a des acteurs qui tentent d’implanter des banques privées?
 
Isabelle Desbois: Oui, oui il y en a.
 
E: Avez-vous quelques noms ou groupes?
 
Isabelle Desbois: Et bien, Il y a la société Cryosave qui essaye de s’implanter en France notamment.
 
E: Et elle n’y arrive pas parce qu’il y a une opposition forte des scientifiques français?
 
Isabelle Desbois: Elle n’y arrive pas parce que la réglementation aujourd’hui exige, enfin il y a un certain nombre de contraintes et donc forcément avec ces produits autologues, on ne rentre pas dans ces contraintes réglementaires. Je vous explique. Quand on prépare un produit à usage thérapeutique en France, on doit disposer d’une autorisation de l’Agence française de sécurité sanitaire pour la préparation de ce produit et on doit revendiquer des indications comme pour un médicament. Donc, les cellules de sang de cordon, aujourd’hui, les indications reconnues et validées scientifiquement c’est la greffe de moelle osseuse. Donc ces structures qui veulent s’implanter en France il faut qu’elles aient éventuellement une autorisation de procéder pour ces produits si elles veulent qu’ils puissent être utilisés en France mais elles ne peuvent revendiquer d’aucune indication. Donc on risque de bloquer à ce niveau là, tout simplement. Bon alors, il y a des tas d’autres contraintes mais ça fait parti des choses où aujourd’hui on ne peut pas aller plus loin, ce produit n’a pas été validé sur le plan scientifique donc il ne peut disposer d’aucune autorisation. Alors, ils peuvent toujours congeler, stocker, ça ils peuvent disposer d’une autorisation mais ça veut dire qu’ils ne pourront jamais, enfin ils ne pourront dans l’état actuel de la réglementation et des connaissances scientifiques sur le sang autologue, ils ne pourront pas les utiliser pour les parents qui en ont besoin. Donc s’implanter aujourd’hui en France pour une banque privée, c’est voilà, on stock mais on n’utilise pas.
 
E: Mais est-ce que vous ne pensez pas que dans le pouvoir politique, il peut y avoir des gens qui sont pour les banques privées car comme cela ça allégerait le financement public?
 
Isabelle Desbois: Après, si vous voulez on peut imaginer un partenariat public-privée pour avoir des financements autre que ceux de l’Etat. Mais je pense qu’il ne faut pas mélanger les deux choses. Pour autant j’ose espérer que nos politiques n’encourageront pas les banques autologues puisqu’il n’y a aucun fondement scientifique aujourd’hui. Après, qu’on travaille sur des partenariats public-privé c’est une chose mais il faut bien faire attention à ce qu’on fait, bien les encadrer c’est pas neutre. Donc s’il faut trouver de l’argent ailleurs, il faut peut être réfléchir à des modes de fonctionnement mais en tout cas ne pas mélanger les deux aspects. Il y a l’aspect financier certes, bon là il y a peut être des solutions de partenariat. Et puis, il y a l’aspect banking autologue et c’est un aspect médical, scientifique et aujourd’hui, il n’y a pas d’argument pour faire du banking autologue.
 
E: Et en ce qui considère l’allogénique, on peut considérer qu’il n’y a pas de problèmes éthiques?
 
Isabelle Desbois: Vous voulez dire par rapport aux cellules embryonnaires? Non, non, non et d’ailleurs il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas qu’on touche aux cellules embryonnaires qui encouragent le sang de cordon parce que le sang de cordon ne pose pas de problème, c’est des cellules qu’on a dans notre organisme et il s’avère qu’au moment de la naissance, il y en a une certaine concentration dans le cordon et qu’on les récupère et que de toute façon c’est un produit qui part à la poubelle normalement. Donc, il n’y a pas de controverse sur les cellules de sang de cordon. Et d’ailleurs pour certains orienter le débat sur le sang de cordon et polémiquer sur le sang de cordon permet d’essayer de moins parler des cellules embryonnaires. Donc il faut se méfier aussi de ces utilisations médiatiques qui permettent de dévier l’attention.