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La chaleur dégagée par les LBC

L’impact environnemental de la chaleur produite par les lampes est un des points les chauds de la controverse.  70 à 80% de l’énergie qu’elles consomment se transforme en lumière et le reste en chaleur, alors que 95% de l’énergie consommée par les lampes à incandescence devient de la chaleur. Les acteurs favorables aux LBC y voient la preuve que les lampes basse consommation sont plus efficaces que les lampes à incandescence qui « gaspillent » de l’énergie. Cependant, la chaleur dégagée par les lampes contribue au chauffage, et le remplacement des incandescentes par des fluocompacte entraine une perte de chaleur qui doit être compensée par plus de chauffage, compensant alors les économies d’électricité réalisées par les LBC. C’est en tout cas un des arguments de force de ceux qui s’opposent à l’éradication des ampoules inventées par Edison.

« L’effet croisé » de la chaleur, un argument de force contre les LBC

La chaleur dégagée par les lampes fonctionne par effet croisé, c'est-à-dire qu’elle constitue une charge en moins pour les systèmes de chauffage, mais aussi une charge supplémentaire pour les systèmes de climatisation. Or on l’a évoqué plus haut, les lampes à incandescence produisent beaucoup plus de chaleur que les fluocompactes. Le passage aux fluocompactes pourrait donc entrainer selon de nombreux blogueurs et autres relais d’opinion une augmentation importante des dépenses en chauffage. Ainsi le député UMP Jacques Myard dans un communiqué de presse le 20 octobre 2009 affirmait :

« Pour les consommateurs, particuliers ou entreprises, les économies en consommation sont relatives puisque les ampoules traditionnelles produisent davantage de chaleur, faisant économiser leurs utilisateurs sur le chauffage. De façon générale, il n'est pas dit qu'elles seront un véritable facteur de baisse de la facture énergétique sur une période donnée, ni pour les ménages ni pour les entreprises. Cette décision, dictée sous la pression d'écologistes médiatiques, est totalement contestable »

Cependant, savoir à quel point les lampes contribuent au chauffage et si le surplus de chauffage nécessaire est tel qu’il annihile les économies d’énergie entrainées par la faible consommation électrique des lbc est loins d’être acquis précisément.

Pour Rémy Prudhomme,c’est bel et bien le cas. Il explique dans une note qui a fait le tour des sites internet écolos comment les LBC sont en réalité financièrement moins avantageuses pour les consommateurs, dans un calcul qu’il est intéressant de tenter de décortiquer :

Ses hypothèses :

  • Consommation d’électricité pour l’éclairage en France : 5,5 milliards de kWh.
  • 22 ampoules par résidence et environ 30 million de résidences, d’où un marché de près de 700 millions de lampes. Remplacement d’une lampe à incandescence tous les 7 ans, d’une LBC tous les 50 ans.
  • Lampes à incandescence : 95% chaleur, 5% lumière/ Lampe fluocompacte : 30% chaleur, 70% éclairage. Les lampes fluocompactes consomment 5 fois moins que les lampes à incandescence.
  • Prix d’une incandescente : 2 euros/ Prix d’une fluocompacte : 10 euros
  • Pourcentage du type de chauffage utilisé chez les ménages en France : 32% chauffage électrique, 20% chauffage au fioul, 48% chauffage au gaz. Deux tiers environ du chauffage a lieeu en hiver.
  • Les prix pour 100 kWh en 2008: 8,9 € pour le fioul, de 8,5 € pour le gaz, environ 9 € pour l’électricité.

Son raisonnement : 

Résultats de Rémy Prud'homme

Les LBC  consomment 5 fois moins que les lampes à filament, donc : lorsque toutes les incandescentes seront remplacées par des LBC, l’énergie consommée par l’éclairage devrait être réduite à 1,1 milliard de kWh, soit 5,5 milliards de kWh divisés par 5. Sur ces 5,5 milliards initiaux, 5,225 résultent dans l’émission de chaleur : ( 5,5×95÷100). Sur les 1,1 milliards de kWh futurs, 0,33 résulteront dans du chauffage : (1,1×30÷100). D’où la différence en chauffage de 4,895 milliards de kWh. On divise ce chiffre par 2/ 3 pour obtenir la perte de chauffage en hiver, qui est donc de 3,26 milliards de kWh. Enfin, après avoir divisé ce chiffre proportionnellement entre les différents types de chauffage, il additionne le chauffage compensatoire nécessaire selon lui et la consommation électrique des LBC qui fournit de la lumière.

Il calcule ensuite le coût pour le consommateur : 0,65.10puissance7 X 8,9euros + 1,56.10puissance7 X 8,5euros - 3,36.10puissance7 X 9euros = -11.10puissance7 euros

Donc les consommateurs font une économie sur leur facture de 110 millions d’euros. Rémy Prudhomme inclut ensuite dans son calcul le prix à l’achat des lampes :

« Ils vont acheter 700 millions d’ampoules à basse consommation, à un prix unitaire d’environ 10 €, soit débourser en 2009 environ 7 milliards d’euros. Chaque année, ils économiseront 110 millions d’euros. En outre, tous les sept ans, ils économiseront le remplacement de 700 millions de lampes à filament au prix unitaire de 2 euros, soit 1 400 millions d’euros. Font-ils une bonne affaire ? Hélas non. La valeur actualisée à 4% des gains annuels sur 30 ans s’élève à 5 milliards. C’est 2 milliards de moins que leur investissement initial. »

Remarques : le chauffage perdu n’est pas comparé en termes de megajoules mais en termes de kilowatt, ce qui suppose que le rendement énergétique des différents systèmes de chauffage est le même. En d’autres termes, Rémy Prudhomme estime que pour 1 kWh consommé, ils produisent la même quantité de chaleur. Or c’est discutable.

• Sur le tier de chauffage généré par les lampes qui a lieu pendant l’été, Rémy Prudhomme ne prend pas en compte la charge supplémentaire possible que cela pourrait représenter pour les systèmes de climatisation.

Des lampes pas si écologiques que cela

Rémy Prudhomme tente par ailleurs d’évaluer l’impact sur l’environnement des LBC, notamment via l’émission de CO2. Voici les données qu’il trouve. 

Données Rémy Prud'homme

Il conclue ainsi que si le passage aux LBC permet effectivement une baisse de la consommation d’électricité, elle entraine néanmoins une augmentation des émissions de CO2, cat le chauffage au gaz et au fioul dont la consommation augmente sont des sources plus polluantes.   

Rémy Prudhomme n’est pas le seul à tenter d’évaluer l’impact du chauffage sur le bilan des LBC. Ainsi le CIRAIG est le premier institut a avoir mené une analyse du cycle de vie comparative entre les fluocompactes et les incandescentes dans laquelle il étudie deux scénarios distincts : le scénario de base qui ne prend pas en compte l’effet croisé, et le scénario à effet croisé. Il en ressort alors que dans le cas du chauffage au mazout et au fioul au Quebec, ou la période froide est très longue, l’ampoule à incandescence reste l’option la plus avantageuse pour l’environnement. En revanche, c’est la lampe fluocompacte qui est la plus respectueuse de l’environnement dans le cas d’un chauffage à l’électricité.

Une contribution au chauffage minimisée par les acteurs institutionnels

Face à ces arguments, les acteurs institutionnels répliquent que la contribution des lampes au chauffage est négligeable et soutiennent souvent que cet argument n’a aucun fondement scientifique. La plupart des analyses de cycle de vie qui comparent le bilan des incandescentes et des fluocompactes ne prennent pas en compte le phénomène de l’effet croisé.

Ainsi à la question de l’effet des lampes sur le chauffage, Bruno Lafitte de l'ADEME, lors de son entretien, nous a répondu :

« Ca me fait un peu rire, c’est une aberration, on n’utilise pas une lampe comme radiateur, une lampe c’est fait pour éclairer premièrement et deuxièmement il y a beaucoup plus efficace qu’une lampe pour se chauffer »

Cependant, Bruno Lafitte a tout de même réalisé une simulation afin de pouvoir répondre à ceux qui présentent cet argument . 

Ses hypothèses :

  • Logement de 80 mètres carrés
  • Le pourcentage de consommation d’éclairage dans la maison est de 60%, le pourcentage d’énergie dissipée sous forme de chaleur est de 95% pour les incandescence, 75% pour les fluocompactes.
  • La consommation de chauffage électrique annuelle est de 5000 KWh. Le chauffage électrique est le chauffage le plus énergivore.
  • La consommation électrique de l’éclairage pour un logement est de 365kWh par an.

Son raisonnement :

Sur les  365KWh annuels consommés par l’éclairage, la contribution au chauffage des lampes à incandescence est de 208,05kWh.  En substituant toutes ces lampes par des lampes basse consommation, la contribution au chauffage est alors de 27,95kWh. En faisant la différence, on arrive à 173,10kWh de perte max pour le chauffage, soit 3,5% de la consommation annuelle moyenne de chauffage. Si on considère que la durée d’utilisation d’une lumière plafonier est de 50% de la journée, alors on arrive à 1,7% de la consommation totale de chauffage. Au final, en prenant en compte la durée d’utilisation d’autres types de lampes, Bruno Laffite en arrive à 0,8% de contribution de la chaleur des lampes au chauffage.

Remarques :

Bruno Lafitte n’a pas voulu ou pas pu nous fournir exactement la façon dont il a réalisé son calcul. Aussi nous n’avons là que les étapes principales du raisonnement qui l’a amené à la conclusion que la perte en chauffage opérée par le changement des lampes est négligeable car inférieure à 1%. Néanmoins, le raisonnement soulève quelques remarques et questions :

• Si la consommation électrique totale de l’éclairage est de 365kWh et que 95% de l’énergie consommée par les incandescentes produit de la chaleur, comment Bruno Lafitte en arrive t-il à une contribution au chauffage des incandescentes de seulement 208,05kWh ?

• Si les 173,10 kWh représentent la perte maximale pour le chauffage de l’éclairage, ce qui prend déjà en compte les heures d’allumage des lampes, pourquoi encore diviser ce chiffre ?

• La question de « l’efficacité chauffage » des lampes si l’on peut dire n’est pas abordé. Qui dit que les kilowattheures consommés par les lampes qui se transforment en chaleur ont la même efficacité que ceux consommés par les systèmes de chauffage?

Autant de questions qui nécessiteraient un approfondissement. Il est clair que la question du calcul de l’impact de la chaleur produite par les lampes en est à ses débuts. Cette controverse, fortement liée au problème du calcul du prix des lampes pour le consommateur, connaitra sans doute encore des développements. 

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