A l’origine, Taki 183 était un coursier qui taguait son nom aux adresses qu’il visitait à New York. Aujourd’hui, ils sont adolescents ou ont la soixantaine, et ne sont pas uniquement américains. Ceux que l’on nomme les street artists le sont-ils vraiment ?

Est-ce que tout ce qui est « street » est nécessairement « art »?

La question de savoir s’il s’agit d’art ou non est vaste et tout dépend de quel côté on se trouve…tout d’abord le schisme se fait entre vandalisme et art. Les acteurs ont tous une position différente.

Ainsi, le public qui n’est pas expert ne considère par que c’est de l’art depuis le début, tandis que les artistes ou les personnes qui soutiennent le mouvement le définissent plus volontiers depuis ses origines comme de l’art. Pour passer d’un état d’esprit ou de conviction à un autre, le rôle des intermédiaires et notamment des médias est très important car ce sont les critiques d’art, les journalistes, et les institutions culturelles qui définissent les mouvements.

Tout dépend aussi de la manière dont on définit « Art »; si on utilise la définition traditionnelle ou, par exemple, celle de George Dickie. Celui-ci considère qu’une chose est art lorsqu’elle est considérée comme tel par les institutions (musées, galeries…etc) et même l’artiste qui la crée. C’est son concept de « art making institution » qui pourra être retenu comme valable pour entériner la perception des artistes. Les théories plus traditionnelles pourront quant à elles valider l’opinion de ceux qui assimilent cette pratique à du vandalisme ou de la pollution visuelle.

L’entrée dans la « sphère » de l’art, une dénaturalisation?

Depuis quelques années les tags et graffitis investissent les galeries, les musées et les salles de ventes aux enchères. Certains saluent ce changement comme le début de reconnaissance d’un courant artistique né dans la rue. Mais son institutionnalisation impliquerait une dénaturalisation du street art qui est par définition éphémère et gratuit puisque dans la rue, c’est l’art qui vient aux gens et non l’inverse.

 

Est-ce que le street art se hiérarchise? Comment? Par son prix?

Le street art est un mouvement difficile à cerner:  vu de l’extérieur, le mouvement apparaît comme un tout homogène, vu de l’intérieur, les street artists ne se reconnaissent pas forcément comme membres d’un mouvement. Ils sont divisés, séparés en courants, tendances, styles, état d’esprit très différents, et clivages générationnels, géographiques ou simplement idéologiques.

Il existe donc de nombreuses manière de les séparer et de les classifier. Par cette difficulté, est-ce que la bonne manière de les positionner serait par la valeur monétaire de leurs oeuvres?

Logiquement, certains artistes s’intègrent mieux au monde de l’art et une hiérarchie s’installe donc par ces critères. Certains artistes, travaillant en toute légalité, s’invitent volontiers dans les musées et ont acquis une notoriété sur le marché. Ils sont nécessairement « marketables » et prennent une certaine valeur. Ceux qui travaillent dans l’illégalité et la légalité jouent sur deux champs. D’autres travaillent dans l’underground et l’illégal pourraient être qualifiée « d’artistes inconnus » au regard du marché de l’art.

Tous ne sont pas reconnus comme street artists mais tous participent à l’histoire de ce qui pourrait être le dernier mouvement artistique en date.