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Le monde de l’art est habituellement représenté graphiquement sous la forme d’une sphère. Son centre pourrait représenter l’Art avec un grand A, ce qui comprend les beaux-arts et ce qu’étudie l’histoire de l’art traditionnelle. Plus on s’éloigne du centre et plus les mouvements sont « controversés » par le fait de leur acceptation dans le cercle. Leur position plus moins lointaine montre souvent la « nouveauté » de leur inclusion dans le cercle de l’Art. Certains mouvements sont en périphérie. On peut comparer cette sphère au modèle qu’ont longtemps critiqué les théoriciens post-colonialistes : la civilisation au centre et une gradation vers le primitif/sauvage par le mouvement vers la périphérie.

Nous avons décidé de positionner visuellement le street art au sein de cette sphère. Pour les besoin de la cause, car le schéma de la séparation entre les artistes n’est pas sphérique, nous avons utilisé un carré (seulement pour des raisons visuelles, car nous gardons tout de même l’idée de la sphère de l’art).

 

Voici ce à quoi ressemblerait notre « carré » du monde de l’art :

Dans la section « artistes » de notre controverse, nous avons classifié ceux-ci selon la légalité de leur travail. Cette séparation n’était pas fortuite : elle permet de positionner les artistes sur le schéma ci-haut.

Artistes : Artiste travaillant dans l’illégalité (bleu) / Artiste travaillant à la fois dans l’illégalité et exposant dans la légalité (rouge) / artiste travaillant dans la légalité.(vert)

Ils pourraient donc se placer comme suit : l’artiste légal entre dans le monde de l’art tandis que l’artiste illégal est complètement à l’extérieur.

 

Nous avons pu rencontrer Barbara Boehm, historienne de l’art, qui nous a fait partager ses impressions sur le street art. Elle a organisé l’exposition du 20ème arrondissement présentant les travaux de Mosko&associés et Mesnager. Elle a monté beaucoup d’autres expositions notamment en Europe, dont la dernière à Barcelone nommée jardin d’Eros a attiré 20 000 visiteurs. Depuis, elle enseigne et donne des conférences à la mairie du 20ème. Elle possède également sa propre structure qui s’appelle Decoumanos.

Estimez-vous que le street art est bien perçu par tout le monde ?

Les gens contre le street art sont plutôt les gens contre le tag et le graffiti. Ce genre de travail (fresque de Mosko & associés) est généralement bien perçu par la population. Mosko, Mesnager ne sont jamais intervenus sur des immeubles privatifs, sur des copropriétés mais toujours sur des palissades de chantiers, dans des crèches, ou sur des murs sur commande de la mairie de Paris par exemple. Au 38 rue Chevreau par exemple, il y a un pignon de Nemo qui a été commandé par l’immeuble.

Quels sont les street artists majeurs en France selon vous?

Mesnager et Nemo sont les artistes historiques, ils peignent depuis les années 1980. Dans les années 1980, MissTic et Blek le Rat étaient très engagés politiquement. Si je rencontrais MissTic, on s’engueulerait… Ses pochoirs n’ont plus de sens, ses produits dérivés,…
Mesnager et Nemo habitaient dans le 20ème puis on démarré dans le 18ème. Le 20ème est un quartier qui a été rénové dans les années 1990 donc des bâtiments entiers y ont disparu. (1996 : terrain vague rue du Retrait, fresque appelée parc zoologique de Ménilmontant). C’est un art éphémère et les street artists disent « les galeries ne nous reconnaissent pas donc on transforme la rue en atelier – galerie ».

Comment expliquer le succès de l’exposition Tag au Grand Palais ?

Ce n’est pas de la démagogie. C’est dans l’air du temps, « Zeitgeist » comme on dit en allemand. C’est une forme de reconnaissance. C’est un art qui a tout son sens.

Comment expliquez vous la cote du street art sur le marché de l’art ?

C’est vrai que les artistes de rue sont des artistes sur un fil, comme des funambules. Ils ont besoin de reconnaissance. Quand les galeries les récupèrent, ils ne sont plus artistes de rue. MissTic sur une toile ? Non, malgré la pertinence de ses dessins et de ses messages.
Les Mosko font aussi un travail sur toile. Quand le marché récupère l’œuvre, je suis contre. Le système marchand doit être étranger mais il a flairé le créneau. Les commissaires priseurs qui vendent du street art font du fric.

Je pense que c’est à la fin des années 2000 que le street art prend sociologiquement de l’importance.
Les artistes travaillent pour la reconnaissance qui est d’abord celle venue des galeries, puis des gens. La mairie du 20ème n’était pas au courant de l’exposition au Grand Palais ni de l’exposition graffiti à la fondation Cartier. L’art de rue doit rester dans la rue. C’est là où il prend tout sons sens. On interroge les passants, les artistes aiment le contact avec les passants qui n’ont pas un accès facile à l’art, dit élitiste. La démocratisation de l’art est lente.

Peut-on faire une géographie du street art? Quels sont les quartiers les plus tagués?

Concernant la géographie du street art, il se concentre surtout dans l’Est parisien et le Nord, dans les quartiers plus populaires.
Les artistes disent « il faut que les murs nous parlent ». C’est travailler avec un mur, avec sa matérialité. Pour cette exposition, je ne voulais pas d’œuvres tendues sur châssis.