Les associations écologistes
Les associations écologistes présentent une très grande diversité de position, de points de vue… Leurs sites foisonnent sur Internet; et il est très intéressant de se pencher sur la question de savoir comment l’Hypothèse Gaia a été réceptionné dans ce milieu.
On constate qu’au sein des associations écologiques, la théorie de Lovelock est en général intégrée, digérée, et réutilisé en la déformant plus ou moins de manière à ce qu’elle corresponde à l’idéologie de l’auteur. En voici quelques exemples.
Autour de la deep ecology
- C’est particulièrement flagrant dans le cas des associations écologiques qui pour certaines se qualifient de deep ecology: l’homme est un cancer pour la terre. Nous avons dérégulé la soigneuse homéostasie que la Terre avait mis des millions d’années à mettre en place, et nous allons causer la mort de notre planète.
- Une dérive de cette affirmation consiste à exagérer les propos de Lovelock à propos du nombre d’habitants sur la planète. Certes nous sommes trop nombreux pour vivre de la manière dont nous le faisons actuellement; Lovelock le dit clairement. Pour certains écologistes, il s’agit donc de trouver les moyens, drastiques, de faire diminuer de manière considèrable le nombre d’homme sur Terre.
- C’est pour cela que certains instituts dénoncent la théorie de Lovelock comme faisant partie de la deep ecology et dénoncent aussi celle-ci. Cette dérive maltusianiste selon eux ne peut conduire que à des génocides ou à des comportements de type dictaturaux ou totalitaires.
- On trouve au contraire le social issue research center qui distingue clairement la deep ecology et la théorie de Lovelock. selon ce centre, Lovelock souhaite nous donner un sens de la responsabilité environnementale que nous avons perdu; et non nous positionner de manière supérieur ou inférieur par rapport à la nature. Gaïa n’a pas besoin de nous au départ. (voire aussi Baptise Lanaspèze)
- Un grand nombre d’auteurs se contentent de faire un résumé succinct de la théorie Gaïa et à marquer leur approbation.
Autour du nucléaire
Différentes positions s’affrontent autour de la question du nucléaire, l’enjeu étant de savoir si, comme l’affirme Lovelock dans la Revanche, le nucléaire reste la solution énergétique pour l’avenir. J’ai essayé de ne garder ici que les points de vue des spécialistes ou bien les interventions de journalistes dans les média s’y connaissant.
Je négligerai donc les associations écologiques approuvant Lovelock en bloc et le nucléaire en particulière (ou l’inverse, assez foisonnant sur le Net par ailleurs).
Précisons les positions des opposants :
- Le monde 09/06/04 par Benjamin Dessus, Gustave Massiah et Jean-Pascal van Ypersele.
« Les énergies renouvelables rendrent déjà des services nettement plus importants que l’électricité nucléaire.»
Critique le manque d’argument chiffré sur la consommation mondiale d’énergie, sur le renouvelable et sur le nucléaire. Lovelock se fonde sur un scénario « laisser faire » qui prévoir une croissance mondiale parallèlement à une croissance de la consommation d’énergie fossile. Les auteurs posent la question du réalisme du remplacement du fossile par le nucléaire vu notre croissance. Il faudrait pour cela « construire chaque année 400 centrales, un investissement de 600 milliard d’€ par an alors que nous sommes à une à deux par an actuellement ». idem pour la production d’U (X15), idem pour les réseaux électriques (6 à 8 fois supérieur à aujourd’hui). Il faudrait aussi appliquer cette électricité nouvelle à d’autres domaines (transports) -> le nucléaire peut seulement avoir une contribution partielle.
« Ni vraisemblable ni faisable ». Sans parler du risque nucléaire militaire et du terrorisme.
- Pour Stephan Singer, responsable climat et énergie du Fonds mondial pour la nature (WWF) pour l’Europe et qui a participé à la réunion de Bangkok, le nucléaire ne peut constituer une alternative durable et efficace aux énergies fossiles. Notamment question des déchets nucléaires et de leur stockage.
Quant à l’ancien vice-président américain Al Gore, auteur du documentaire “Une vérité qui dérange”, il s’oppose également à l’option nucléaire, dénonçant son coût mais aussi le risque de prolifération d’armes nucléaires sur la planète.
Menace trop importante aujourd’hui avec des pays comme l’Iran ou la Corée du Nord. Si un jour les générateurs sont plus sûrs, pourrait être une option.
- Le nucléaire sauvera t-il la planète ? Selon l’auteur Walter Bouvais, les faits montrent qu’il n’est pas la solution aux défis énergétiques de la planète.
Présentation de l’argumentation de Lovelock comme une réponse au défi du facteur 4 imposé au pays développé pour réduire leur émission en GES.
« Si les propos de Lovelock suscitent la raillerie et l’ire des écologistes de tous les continents, l’homme n’est pas isolé ».
D’abord, « la part du nucléaire dans la production d’énergie mondiale n’évoluera pas avant 2020 voire 2030 » alors que parallèlement les agences de l’énergie prévoient un doublement de la consommation d’énergie. Problème : le nucléaire fera au plus 20% de la consommation totale et au pire 9%.
« Benjamin Dessus, réputé « nucléosceptique » et Philippe Girard, un ancien du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) plutôt “nucléophile”, ont pris leur calculette et imaginé deux scénarios »
Soit Sunburn : on mise sur le nucléaire. On évite 9% des émissions de CO2 par rapport aux prévisions de l’agence « mais seulement 2,9% des émissions cumulées de 2006 à 2030 de ce même scénario ».
Soit Sunset : on abandonne progressivement le nucléaire.
La solution est de réduire notre consommation et de stocker le CO2; le nucléaire n’est pas la solution. (Risque de prolifération, question des déchets)
La question du coût du nucléaire : “une centrale nucléaire, c’est un investissement sur quinze ans, explique Dominique Finon, directeur de recherche au CNRS. Pour se lancer, les banquiers veulent des garanties sur les prix. Or depuis la libéralisation des marchés occidentaux, l’évolution des prix de l’électricité est devenue incertaine. Dans ces conditions, les investisseurs préfèreront se tourner vers les centrales à gaz, moins coûteuses et plus faciles à rentabiliser.” Le temps de répondre à ces questions, l’avenir du nucléaire ne se jouera vraisemblablement pas avant 2010-2020. Pendant ce temps, le changement climatique gagne du terrain. »
- Les amis de la Terre
Cette association dénonce l’encouragement à « la centralisation voire la main mise militaire, développer des filières difficilement contrôlables de déchets dangereux, étendre un mode de développement mortifère pour la planète ». Elle soulève tout d’abord le problème des coûts : une directive européenne va demander la privatisation des productions d’énergie, or l’état français s’en charge. « Il est improbable que le secteur privé investisse dans la construction de nouvelles centrales nucléaires nécessitant des financements gigantesques avec un retour à très long terme et une obligation de couvrir les risques non négligeables de ce type de production, risques jusqu’ici pris en charge par l’Etat ».
Elle réutilise également l’argument déjà cité plus haut de la production nucléaire qui ne suivra pas la consommation mondiale d’énergie. Met aussi en avant le problème des déchets qui eux aussi augmenteront proportionnellement.
Le mieux est de réduire notre consommation : aller vers les négawatt.
=> On trouve donc une position résumé par “L’énergie qui pollue le moins est celle que l’on ne consomme pas”, une autre faisant confiance au renouvelable ou à la technologie. Beaucoup ne proposent pas de solution altenative: quoi si ce n’est pas le nucléaire?
Les opposants à la théorie Gaïa ou à Lovelock
- perte de crédiblité dans le grand public s’expliquant notamment par certaines des “prévisions apocalyptiques” de Lovelock ne s’étant jamais réalisé, voire s’étant inversé. Certains cherchent à démontrer le total irréalisme d’une des solutions proposé par Lovelock et ses collègues océanologues:
“On enfonce dans la mer un très grand nombre (134 millions !) de tuyaux verticaux en plastique de 200m de longueur, dont l’extrémité est maintenue en surface à l’aide de bouées. Ce faisant, on pense faire remonter en surface les eaux plus froides et plus riches en nutriments des nappes inférieures des océans. Cela permettrait, pensent les auteurs du projet, d’aider au développement d’algues marines et autres organismes capables d’absorber une partie du CO2 atmosphérique.”
-> risque de descente des eaux chaudes, ce qui nécessite la mise en place de pompe. donc très cher
-> solution identique proposée il y a 30 ans quand on pensait que le climat allait se refroidir
-> conséquences sur les biotas et les équlibres océaniques?
- insiste sur le coté métaphorique de la théorie Gaïa.
On peut penser que le dernier livre de James Lovelock contredit en grande partie sa théorie qui faisait de Gaïa (la Terre comme biosphère) un être vivant dès lors qu’il en annonce la mort prochaine… Ce qui était faux, dans son mythe, c’était de considérer que notre biosphère était pourvue de régulations (ou boucles de rétroactions négatives) ce qui assurait la permanence de la vie sur Terre. Il peut aller jusqu’à dire “Après tout, il ne manque à Gaia que la reproduction“, ce qui est absurde alors que la vie c’est la reproduction et rien d’autre. La reproduction, c’est la vie et l’histoire de l’évolution, dès lors qu’elle est pourvue de mémoire. Tous les environnements se fixent autour d’un équilibre plus ou moins instable et sélectionnent, grâce à la reproduction, les organismes capables de supporter ces variations, cela n’en fait pas des organismes vivants. Il y a une différence radicale entre l’organisation d’un être vivant, multipliant les régulations grâce à l’information prélevé sur l’environnement, et l’auto-organisation d’un milieu ouvert laissé à lui-même.