Démarche

Une controverse historique, une démarche unique

Dès le début, nous le savions, nous nous attaquions à une difficulté majeure: une controverse historique. Nous étions prévenus par Monsieur Latour en personne: “Personne ne peut vous guarantir que ça va marcher, vous prenez un gros risque”.

Nous nous en sommes vite rendues compte.

Si les Sciences Studies n’ont pas attendu Internet pour se développer, cet outil présente des avantages indéniables dans l’étude et la restitution de controverses. C’est d’ailleurs pour cela que nous restituons cette étude sous forme d’un site internet. Pourtant, en ce qui concerne l’hypothèse Gaia, Internet n’était pas aussi utile que dans beaucoup d’autre cas.

Gaia et internet

Les recherches à partir du Navicrawler que nous avons appris à maîtriser grâce à Mr Jacomy, nous ont été d’une faible utilité pour plusieurs raisons. La controverse est née en dehors d’internet, ses acteurs principaux n’utilisant pas ce mode de communication pour la faire évoluer mais uniquement pour transmettre leurs travaux. De plus, les sites trouvés étaient la plupart du temps inexploitabes car non mis à jour et ne renvoyant vers rien, les sites ayant été oubliés. En revanche, nous avons appris à nous familiariser avec l’Isi Web ok Knowledge, qui nous a été d’une grande utilité pour trouver les articles scientifiques dont nous avions grandement besoin.

Si Internet nous a été très utile pour retrouver les articles publiés depuis la première conférence Chapman et tous les travaux scientifiques qui ont été faits depuis ce moment-là, il n’en reste pas moins que les débuts de l’hypothèse sont retracés dans un certain nombre de sites, mais que chaque acteur ne tient pas de site Internet spécialement dédié à cette controverse.

Les autres modes de recherche

La controverse était trop ancienne pour pouvoir être retracée à partir d’lnternet, donc nous avons fait nos recherches « à la main », à partir de l’étude du contenu des sites Internet, en repérant les acteurs qui se citent entre-eux, font référence à d’autres modèles, qu’ils contredisent ou améliorent et en ne retenant que les acteurs les plus souvent cités, ceux que nous voyons revenir dans toutes les bouches, en investiguant leurs points de vue, leurs positions, mais aussi leurs parcours, etc.

Là encore, les difficultés furent de la partie puisque les acteurs sur lesquels nous avons focalisé notre étude étaient tous des scientifiques, communiquant par articles dans des revues particulièrement spécialisées, ou par ouvrages de vulgarisation –ou non- introuvables en France. En effet, non seulement notre étude s’est vue confinée au monde scientifique, mais la controverse n’a pas percé jusqu’aux scientifiques français. Ainsi, nous nous sommes principalement fondées sur des articles anglais, que nous avons parfois eu beaucoup de mal à nous procurer – nous tenons ici à remercier encore notre tuteur, Tommaso, pour son aide dans la recherche de ces articles. Nous avons même contacté directement certains auteurs/acteurs, comme Ford Doolittle qui a eu la gentillesse de nous faire parvenir son article par fax. Malheureusement toutes nos démarches n’ont pas été aussi fructueuses.

Tous ces éléments sont des pistes à suivre et à explorer pour d’éventuels successeurs dans la voie de l’étude de controverses historiques.

Mais quel cheminement nous a amené au choix de confiner notre étude au monde des scientifiques ?

La détermination des acteurs principaux et la technique d’approche de l’étude de notre controverse ont également constitué un défi. A l’origine, nous nous étions réparties le travail en grandes catégories “Communauté Scientifique”, “Associations écologiques”, “Médias”, “Impact de la théorie dans le grand public”. Au final, seule la première a survécu en tant qu’acteur.

En effet, Christelle Gramaglia nous a rapidement fait réaliser que nous n’étions pas censées faire un sondage pour voir qui connaissait cette théorie, mais étudier la théorie elle-même et la controverse qui l’entoure. Adieu micro-trottoirs et grand public.

D’autre part, le problème des médias était un peu similaire, malheureusement nous nous en sommes rendues compte bien trop tard. Et c’est après plusieurs semaines de lecture de journaux que nous avons réalisé qu’ils n’apportaient pas vraiment de l’eau au moulin de la controverse, et qu’ils n’étaient donc pas de réels acteurs.

Enfin les associations écologiques. Là le sujet était plus délicat. Acteurs? Non acteurs? Jusqu’au dernier moment nous nous sommes demandées où les placer dans notre restitution.

A nouveau, seul Internet était à notre disposition pour nos recherches sur les associations écologiques. Nous nous sommes rapidement aperçus qu’ainsi nous n’obtenions que la position des associations écologiques sur la théorie Gaia à un moment donné, aujourd’hui. Alors que Lovelock répondait aux critiques des associations écologiques dès son livre de 1979, il nous était impossible de retrouver ces critiques par ailleurs. Nous avons donc décidé de consacrer une page aux associations écologiques, non pas en tant qu’acteur actif de la controverse, décidemment très scientifique ; mais pour montrer comment les associations écologiques avaient plus ou moins intégré cette théorie dans leur discours, comment certains la réinterprétaient, parfois loin des propres positions de Lovelock, comment enfin d’autres se sont positionnés contre cette théorie, du fait de certains de ces aspects médiatisés (nucléaire, problème de la population). Aujourd’hui, retracer l’évolution de ces positions est complexe et pas nécessairement utile au regard de l’angle que nous avons choisi pour la controverse.

Pour les arguments des acteurs de la communauté scientifique, qu’ils soient précisément sur la validation scientifique de l’hypothèse - souvent au niveau des mécanismes de régulation chimiques et biologiques - nous avons effectué des recherches chronologiques, en essayant de relier les critiques aux avancées du modèle au cours du temps, car, et c’est là la particularité principale de notre controverse, c’est ce qui a fait l’objet de notre attention par dessus tout, les critiques ont évolué au fur et à mesure que le modèle était perfectionné.

Ainsi, nous avons regardé la controverse sous un certain angle : celui de la communauté scientifique. Nous sommes parties de l’hypothèse Gaia telle que décrite par Lovelock et Margulis en 1979, et nous avons étudié d’où elle venait et où elle allait. En tant que paradigme potentiel, l’hypothèse de base résulte de travaux anciens, nombreux et divers. D’autre part, cette hypothèse a rencontré de très nombreuses critiques durant les trente années qui ont suivi son évolution et qui sont encore vives aujourd’hui, bien qu’ayant changé de nature. Lovelock et Margulis, mais surtout de nombreux autres éminents scientifiques, océanographes, biologistes évolutionnaristes, et beaucoup d’autres ont donc fait évoluer progressivement l’hypothèse. Face aux critiques, ils ont précisé leur pensée, mais surtout, ils ont créé de nouveaux outils pour que l’hypothèse puisse être testée scientifiquement, ils les ont enrichis, les ont construits. C’est l’histoire de cette théorie, qui a le potentiel, rappelons le, de révolutionnner 65 ans de néo-darwinisme, que nous avons étudiée.

Notre analyse est donc une véritable étude de la Science en train de se faire, de la naissance d’une théorie, qui n’était même pas considérée comme scientifique, de sa bataille pour s’imposer dans les milieux scientifiques jusqu’à son acceptation par le Groupe International d’Experts sur le Climat, qui s’ils ne la citent pas n’en adoptent pas moins le concept principal. Gaianistes et anti-gaianistes s’affrontent dans un combat digne de ceux menés entre pasteuriens et anti-pasteuriens, darwiniens et anti-darwiniens…Sauf que cette fois, on ne sait pas encore “qui a raison” ou plutôt, à qui les faits donneront raison. Et, comme Gallilé a attendu Copernic, Lovelock a peut-être touché du doigt un élément crucial de l’histoire des sciences mais il faudra sans doute attendre plusieurs années de controverse houleuse avant d’avoir une preuve suffisamment convaincante pour fermer cette controverse.

Une étude de controverse passionnante n’exclue pas quelques problèmes techniques…

En ce qui concerne la création du site internet, la webmestre, après s’être entraînée sur les différents outils web portés à sa connaissance : langage html, et CSS en particulier, a choisi ce dernier. Elle a approfondi ses connaissances grâce à http://batraciens.net/css-astuces/ .

Pour la frise, entre autres pistes, http://simile.mit.edu/timeline/docs/create-timelines.html proposait un choix de timeline pour élaborer une chronologie de l’évolution de la controverse. Il y a ensuite eu les difficultés à intégrer le fichier API “vide” dans le site en langage html. La construction de la frise a donc été longue, bien que simple à réaliser.

Elle a également connue de nombreux blocages techniques avec l’utilisation de http://Broken-notebook.com/magnetic/ qui semblait être l’outil approprié pour créer une première ébauche de carte des acteurs, mais une plus ample documentation lui a été nécessaire.

L’utilisation de Flash a également suscité de nombreux problèmes. Bien que le résultat soit appréciable, ce logiciel est difficilement manipulable. Nous avons pu goûter au déplaisir des nombreux problèmes techniques que nous avons rencontrés (particulièrement concernant la conception du schéma qui relie tous les acteurs et leurs arguments, qui a requis du temps et de la patience).

Enfin, cette étude de controverse nous a permis de cerner les complications crées par le travail en groupe. Celui-ci suppose une coordination, une écoute de l’autre, des compromis et des efforts de compréhension. Evidemment, ce n’est pas toujours aisé de satisfaire, en permanence, toutes ses qualités à la fois. Reste que cette étude nous a finalement beaucoup appris et enrichi notre expérience de façon non négligeable.

Au final, ces difficultés ont pu être surmontées. Cependant, il se révèle important de les mentionner pour faire part le plus fidèlement de notre étude, autant dans son contenu, que, comme ici, dans son déroulement.

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