Westbroek P

Le défenseur de Gaia

Géologue néerlandais, Westbroek est un fervent partisan de l’hypothèse Gaia.

Pour lui, la diffusion des premiers clichés de la Terre vue de l’espace fut un évènement préalable majeur à la naissance du concept de Gaia. Il considère que Lovelock, avec sa théorie, peut perpétuer le sentiment originel de respect et d’émerveillement des hommes en face de ces clichés - tellement banalisés depuis- qui exposaient la vulnérabilité de notre planète.

“What we saw was our home, our unique native country, rotating in majestic solitude through infinite space.”

D’autre part, la Théorie Gaia est un pont fantastique entre les sciences de la vie et les sciences de la terre, et cet aspect ne pouvait que plaire à Westbroek, géologue de formation mais qui s’est également formé en biochimie. L’opportunité qu’offrait Lovelock, d’étudier la Terre en tant que entité cohérente et organisée ne pouvait en aucun cas être réduite à néant par les traditions académiques et ou les rigueurs réductionnistes darwiniennes.

Ainsi, s’il admet la classification de Kirchner en théories “fortes” et “faibles”, il va chercher à renforcer l’hypothèse faible -admise par la totalité des acteurs- en créant de nouvelles sous-hypothèses.

Westbroek met en exergue différents évènements de l’histoire de notre planète. Par exemple, le cycle du CO2 théoriquement stable, a été déréglé il y a 450 millions d’année. En effet, il y a 600 millions d’années et ce jusqu’il y a 450 millions d’années, la concentration de CO2 dans l’atmosphère était vingt fois supérieure à la concentration actuelle. Puis, pendant 150 millions d’années, elle a diminué de manière drastique pour atteindre sa valeur actuelle. Puis il ré-augmente un peu et re-diminue ensuite. Or, il montre que l’apparition et le développement des plantes vascularisées doit avoir joué un rôle crucial et en effet cela correspond exactement à la période ou les arbres -aux racines énormes qui jouent sur la quantité de silicate de calcium, élément essentiel du cycle du Carbone- se développent et commencent à recouvrir les continents. A travers plusieurs exemples tels que ce dernier, Westbroek cherche a montrer que les “coïncidences” entre les conditions de vie sur terre et le développement de la vie sont tellement forte qu’on peut parler d’une tendance dans l’évolution. Il crée ainsi une catégorie supplémentaire par rapport à celles de Kirchner “Strengthening Gaia”: sur une échelle de millions d’années, les interactions entre la vie et son environnement géologique deviennent de plus en plus fortes avec le temps. Cette catégorie correspond bien à l’idée, acceptée par tous, que la vie influence son environnement et s’adapte aux changements climatiques par les mécanismes de l’évolution darwinienne, mais elle ajoute que ces interactions deviennent toujours plus fortes. Et cette hypothèse, contrairement aux hypothèses fortes, peut être testée par les analyses des temps géologiques.

Mais Westbroek ne s’arrête pas là, pour lui, les mécanismes de régulations peuvent également s’expliquer par les principes darwiniens, mais soutiennent l’hypothèse Gaia par leur complexité. Ils peuvent être testés et démontrés, c’est encore une autre catégorie “regulating Gaia”.

Son avis global sur la Théorie Gaïa

Westbroek est d’accord avec Kirchner à propos des hypothèses fortes mais considère véritablement Lovelock comme un visionnaire qui a eu l’intuition d’une découverte extraordinaire mais n’a pas encore trouvé de quoi prouver scientifiquement cette intuition.

En fin de carrière, il écrit un éditorial du journal électronique de Paléontologie (Palaeontologica Electronica) intitulé “Let’s reclaim Gaia for science”. Dans cet article, il retrace rapidement l’histoire de la Théorie Gaia, en interprétant à sa manière les aléas de ses succès mais surtout de ses déboires. Pour lui, c’est la récupération de la Théorie par le mouvement New Age qui l’a décrédibilisé aux yeux des scientifiques. Comme il écrit après s’être retiré du monde scientifique, il se permet de parler ouvertement sans craindre pour sa carrière et parle au sujet de Gaia d’un nom “contaminé”. Il cherche à comprendre ce rejet de la communauté scientifique envers Gaia, rejet qu’il déplore. Pour lui, l’intuition de Lovelock ne doit pas être rejetés à cause des dérives de la théorie, mais doit être exploitée à fond à fin de découvrir ses véritables fondements scientifiques. Voici sa phrase de conclusion: “In this editorial I argue that Gaia has been part of science right from the original formulation of the idea. If New Age has claimed it for its own purposes, all we have to do is claim it back. We should not tolerate outside interference with a healthy scientific concept.”

Son article, paru en 2000, présente également trois intérêts majeurs de la Théorie Gaia selon Westbroek. Certains sortent du domaine purement scientifique: la remise en cause du dogmatisme et du réductionnisme, la diffusion de la vision de la Terre comme un tout ; qui dépasse les frontières inter-étatiques, et enfin la mise en exergue de la vulnérabilité de notre planète par rapport à la vie, et donc aux humains.

Le scientifique émérite

Formé en géologie à l’Université de Leiden, il y a été professeur émérite en géophysiologie. Il a également étudié la biochimie à Belfast (Queen’s University). Il a écrit de nombreux livres scientifiques, mais également de vulgarisation. “Is life a geological force” et “Dynamics of the Earth”. Il est membre de l’Académie royale néerlandaise de Sciences, a dirigé la Chaire Européenne du Collège de France de 1996 à 1997 et a également reçu le premier prix “Vladimir Vernadsky” en 2003. Cette haute distinction lui a été décernée par la Société européenne de géophysique.

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