Kirchner J.
Un scientifique émerite
James W. Kirchner est un scientifique reconnue dans de nombreuses disciplines. De la géomorphologie à l’hydrologie en passant par la géochimie environnementale, l’écologie et la paléobiologie, il a validé une licence de physique, une licence de philosophie et un master d’ « Analyse des systèmes » au Collège de Darmouth, puis une thèse en « Energie et Ressources » à l’Université de Californie, à Berkeley.
Il est membre de l’American Geophysical Union.
Il est actuellement professeur de Science de la Terre et de la Planète à l’Université de Californie, Berkeley.
Sa position pluridisciplinaire et ses nombreuses distinctions ont joué un rôle majeur dans sa décrédibilisation de James Lovelock et de la Théorie Gaia.
L’opposant de toujours
Kirchner est à Lovelock ce que Pouchet fut à Pasteur, s’opposant à lui systématiquement sur tous les points lors de la publication première de sa théorie.
La Taxonomie de Kirchner
L’apport majeur de Kirchner à la controverse, fut la division de l’Hypothèse Gaia en cinq sous hypothèses. Cette taxonomie reconnue valide a été par la suite ré-utilisée par tous les acteurs
C’est lors de la première Conférence Chapman de 1988 que Kirchner adresse ses critiques principales, qui déstabiliseront Lovelock pendant de longues années. S’appuyant sur des citations choisies de travaux de Lovelock et Margulis sur les quinze années précédentes, il démontre l’inconsistance implicite de la déifinition de Gaia.
Il les publiera à deux reprises : dans le chapitre 4 de « Scientists on Gaia » (l’essentiel de la conférence Chapman publié sous la direction de Stephen H. Schneider et Pénélope Boston) intitulé « The Gaia hypotheses: are they testable? Are they useful? » et dans un article datant de 1989 publié dans Reviews of Geophysics et intitulé « The Gaia Hypotheses, Can it be tested ? ».
Mais quelles sont ces cinq sous-hypothèses :
- Gaïa influente : il développe ici l’idée que la vie influence sensiblement certains aspects de son environnement, comme la température et la composition de l’atmosphère. Il cite pour illustrer son propos, Lynn Margulis et l’écrivain Dorian Sagan du magazine Science, “L’hypothèse Gaïa [...] stipule que la température et la composition de l’atmosphère terrestre sont activement régulées par la somme des organismes vivants sur la planète“.
- Gaïa coévolutionnaire : la vie influence son environnement abiotique qui en retour influence l’évolution du biotope par des processus Darwiniens. Selon Lovelock, “le vivant a profondément altéré l’environnement à la surface de la Terre. En même temps, l’environnement imposait ses contraintes sur le vivant. Dès lors la vie et l’environnement doivent être considérés comme les deux parties d’un système couplé“.
- Gaïa homéostatique : le vivant influence le monde extérieur de manière à le stabiliser. Exprimé dans le langage analytique des systèmes, les principaux liens entre les biota et le monde abiotique sont les boucles de rétroactions négatives. Pour justifier cela, Kirchner cite le nom technique de la théorie de Gaïa par Lovelock et Margulis : “la notion de biosphère considérée comme un système de contrôle à adaptation active capable de maintenir la Terre en homéostase“.
- Gaïa téléologique : C’est l’idée de géophysiologie qui naît de cette hypothèse : l’atmosphère demeure en état homéostatique, pas uniquement du fait de l’action de la biosphère, mais également pour préserver la biosphère. Selon Lovelock et Margulis, “l’atmosphère de la Terre est plus qu’anormale; elle apparaît en contradiction avec un ensemble d’objectifs“.
- Gaïa optimisante : cette hypothèse qui a soulevé le plus de controverses, consiste en l’idée que le vivant manipule son environnement physique dans le but de créer des conditions biologiques favorables, voire optimales. Lovelock et Margulis écrivent : “Il est peu probable que le hasard seul explique le fait que la température, le pH et la présence d’éléments nutritifs aient été, durant de longues périodes, simplement optimisés pour permettre la vie en surface. Nous préférons proposer l’hypothèse Gaïa, l’idée que le biotope attend de l’énergie pour maintenir activement ces optima“.
Kirchner classe des sous-hypothèses en deux catégories : les hypothèses faibles et les hypothèses fortes. Les Gaias influente et coévolutionnaire sont faible, c’est à dire qu’elles sont évidemment correct, ne méritent pas le statut d’hypothèse, et été déjà exprimée dans les prémodèles par T. H. Huxley ou Vernadsky.
Au contraire, les Gaia homéostatique, téléologique et optimisante sont fortes, c’est à dire qu’elles sont novatrices mais non testables. Kirchner explique quels sont les critères d’une hypothèse scientifiquement testable en science, et conclut que les hypothèses fortes ne peuvent pas être testée car elles sont trop mal définies ou définissent des évènements d’échelle tellement énorme qu’elle ne pourront jamais être vérifiées.
De plus, Kirchner reproche à Lovelock son manque de rigueur scientifique. Ainsi, pour lui, la confusion des théories peut amener à des interprétations abusives, car ne pas les différencier peut amener par exemple à valider les hypothèses fortes sous prétexte que les hypothèses faibles sont évidentes.
“Si nous discutons de la théorie de Gaïa sans préciser de quelle hypothèse nous parlons, nous pouvons créer pas mal de confusion”
Sur le moment, Lovelock admet que l’hypothèse de la Gaia optimisante doit être momentanément retirée. Quelques mois après la conférence, il publie une réponse à Kirchner dans Nature où il le décrit comme une « figure de l’Inquisition » faisant une tentative philosophique, n’ayant rien à voir avec les sciences, pour lui donner tort et décrédibiliser Gaia. Si cette réaction est compréhensible, elle n’exprime que la frustration de l’inventeur de ne pas pourvoir contrer les critiques de Kirchner. Encore aujourd’hui, les arguments de Kirchner sont considérés par beaucoup comme les meilleurs à évoquer lorsqu’on parle de Gaia, et le succès de ses terminologies le prouve.