En bref

Au début de la controverse, le gouvernement nie le lien de causalité en s’appuyant systématiquement sur le discours des experts et l’absence de preuve. De fin 1998 à 2002 environ, alors que se développe un doute scientifique autour du vaccin, le gouvernement reconnaît une causalité fondée sur la présomption de l’existence d’un risque individuel lié au vaccin. La position du gouvernement évolue ensuite beaucoup vers une logique collective s’appuyant sur des rapports d’experts. Et à partir de 2005, la logique collective est assumée pleinement, et le gouvernement décide de recommencer à faire campagne en faveur du vaccin contre l’hépatite B du fait de la chute de la couverture vaccinale.

Au début de la controverse, le gouvernement nie le lien de causalité en s’appuyant systématiquement sur le discours des experts et l’absence de preuve.

Dès le début de la controverse, le gouvernement adopte une position qui se veut rassurante, en expliquant qu’aucun risque n’a été prouvé au sujet du vaccin contre l’hépatite B. Le gouvernement appuie ses affirmations sur des références d’experts et d’autorités sanitaires reconnues telles que l’Afssaps et l’OMS. En janvier 1998, alors que la controverse atteint un pic, les principaux responsables de santé publique continuent d’adopter un discours rassurant. Après la publication d’un article du Parisien intitulé “Révélations sur un vaccin dangereux”, qui suggère un lien entre la vaccination en novembre 1995 de 175 000 enfants avec le vaccin HB Vax et les déclarations de scléroses en plaques qui ont suivi, le secrétaire d’Etat à la santé Bernard Kouchner qualifie cette inquiétude d’”injustifiée” (Reuters, 21 janvier 1998). Il annonce également la poursuite de la vaccination contre l’hépatite B, en particulier dans les collèges. Suivant l’avis des experts, Bernard Kouchner explique au Monde qu’« aucune donnée » actuellement disponible ne permet d’imputer au vaccin la survenue de plusieurs cas graves d’affections neurologiques (Le Monde, 17 avril 1998). L’idée est donc bien de se reposer sur le discours des experts pour ne pas conclure à un lien de causalité entre le vaccin et cas de scléroses en plaques.

Dès 1998, le gouvernement reconnaît l’existence d’une causalité fondée sur la présomption d’un risque individuel lié au vaccin.

Fin 1998, on note l’apparition de doutes scientifiques qui empêchent le gouvernement de trancher dans un sens ou dans l’autre (une enquête de pharmacovigilance est d’ailleurs ouverte).

L’arrêt de la vaccination massive dans les collèges en octobre 1998 marque l’individualisation du risque vaccinal.

En octobre 1998, lorsque Bernard Kouchner reçoit les résultats de deux études commandées par l’Agence du médicament, qui ne concluent ni à l’existence d’un lien de causalité, ni à l’absence de ce lien, il décide de suspendre la vaccination dans les collèges. La raison est que la vaccination systématique  dans le cadre du collège crée une interférence entre le médecin scolaire et le pédiatre de l’enfant, et rend impossible une bonne appréciation du risque individuel à l’égard du vaccin, qui n’est pas obligatoire. Ainsi, l’idée est de donner le choix à la population, en individualisant le risque. Cette suspension est interprétée comme l’application d’un principe de précaution : le doute subsistant sur le risque lié au vaccin contre l’hépatite B, l’Etat ne doit pas mener une campagne de vaccination massive dans les collèges. Cependant, la vaccination est maintenue pour les nourrissons, avec l’idée que ceux-ci ne sont pas exposés au risque de sclérose en plaques.

Cette décision est vivement critiquée, notamment par l’OMS, car elle envoie un message incohérent à la population : la vaccination est stoppée dans les collèges mais elle continue à être vivement recommandée. Après la publication d’une étude du Réseau National de Santé Publique, Bernard Kouchner réaffirme en effet en mars 1999 son attachement au vaccin contre l’hépatite B. Cette étude conclut en effet que « du point de vue de la collectivité, les bénéfices de la vaccination hépatite B apparaissent supérieurs au risque potentiel de la vaccination, même pour le niveau d’incidence de l’infection par le VHB de 1996 [le plus bas depuis la campagne en milieu scolaire]. Quel que soit le scénario considéré, le risque reste inférieur aux bénéfices cumulés de la vaccination jusqu’à l’âge de 30 ans » (Le Monde, 12 mars 1999).

L’indemnisation des malades engendre la reconnaissance d’un lien de causalité à l’échelle individuelle.

En mai 2000, le ministère de la santé indemnise sept professionnels de la santé vaccinés contre l’hépatite B. La procédure d’indemnisation des accidents vaccinaux, mise en place en 1978, est décidée par une commission de règlement amiable, chargée « d’émettre un avis sur le lien entre les troubles observés et la vaccination ainsi, s’il y a lieu, qu’une évaluation du préjudice ». Dans le cas où elles acceptent l’indemnisation qui leur est proposée, les personnes s’engagent à « se désister expressément de toute action contentieuse dirigée contre l’Etat et tendant à la réparation des mêmes préjudices ».

Dans ces affaires, la commission de règlement est confrontée à un véritable dilemme : en l’état des connaissances scientifiques, rien ne permet d’affirmer avec certitude que le vaccin est responsable des maladies dont souffrent les professionnels de la santé qui souhaitent être indemnisés. Or ces derniers ont tous subi une vaccination obligatoire du fait de leur profession et se retrouvent gravement atteints par la maladie. Pour cette raison, la commission décide d’attribuer l’indemnisation, car ils jugent que le doute doit profiter à la « victime ». Les conclusions de la commission penchent alors sur la reconnaissance d’un lien de causalité à l’échelle individuelle. Les termes de la lettre adressée aux plaignants, signée par le professeur Lucien Abenheim, directeur général de la Santé, sont d’ailleurs clairs et nets : « Les experts de la commission (de règlement amiable des accidents vaccinaux) ont considéré (…) qu’il existait un lien de causalité entre la vaccination anti-hépatite B que vous avez subie et votre état de santé. » Cette conclusion étant individuelle, le gouvernement considère qu’elle ne remet nullement en cause la politique vaccinale et que le vaccin doit toujours être vivement conseillé.

Néanmoins, les recommandations vaccinales ne sont pas modifiées : elles s’inscrivent dans une logique collective s’appuyant sur des rapports d’experts.

Le gouvernement se doit de considérer l’intérêt général de la nation. Il est donc naturel que dans le cas de cette controverse, le gouvernement ait adopté une logique collective qui analyse le vaccin contre l’hépatite B en termes de rapport bénéfices-risques. Même quand Bernard Kouchner annonce l’arrêt des campagnes de vaccination dans les collèges, il continue de défendre l’intérêt collectif du vaccin, en insistant sur l’importance de vacciner les nourrissons. Malgré une période de doute entre 1998 et 2002, la logique collective est tout à fait réactivée ensuite. Et le recours aux experts pour montrer l’absence de preuve d’un lien de causalité redevient systématique dès 2003.

Le recours aux experts redevient un mode systématique de défense du vaccin dès 2003.

Dans cette logique collective, les experts et les études statistiques sont mobilisés afin de défendre la vaccination contre l’hépatite B. En septembre 2003, Jean-François Mattei, ministre de la santé, réunit des experts venant des principaux instituts nationaux afin d’obtenir des recommandations concernant la vaccination. En particulier, les experts recommandent la vaccination universelle des nourrissons, la mise en place d’un programme de rattrapage auprès des enfants et des adolescents, la vaccination obligatoire des nouveau-nés de mères infectées par le VHB ainsi que l’immunisation des professionnels de la Santé et des adultes à risques (consommateurs de drogues, adeptes du tatouage ou du piercing, personnes infectées par le virus du sida ou de l’hépatite C, etc.). Ce sont ces conseils que le gouvernement va suivre et le discours qu’il va désormais adopter.

De même, le 25 novembre 2004, une commission d’audition d’experts réunie à l’instigation de Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé, rend public un rapport confortant la stratégie de vaccination contre le virus de l’hépatite B (VHB) recommandée il y a un an : vacciner tous les nourrissons, ainsi que les adultes ayant un risque élevé d’exposition au virus, et rattraper la vaccination avant l’adolescence chez les enfants. Elle demande cependant le renforcement de la surveillance. Cette position est donc conservée par le gouvernement.

A partir de 2005, la logique collective est assumée pleinement, et le gouvernement décide de recommencer à faire campagne en faveur du vaccin contre l’hépatite B.

Le 8 novembre 2005, en s’appuyant sur le rapport d’un groupe d’experts, Xavier Bertrand annonce sa volonté de relancer la vaccination mais en procédant par étapes. Le ministre de la santé souhaite donner la priorité à une relance de la prévention et de la vaccination parmi les populations « les plus exposées au risque de contamination » (cité dans La Croix, 9 décembre 2005).. En 2006, des messages ciblés ont ainsi été diffusés à destination des toxicomanes pour leur rappeler l’intérêt du vaccin anti-hépatite B mais aussi l’absolue nécessité de ne pas réutiliser ou partager des seringues ou du matériel d’injection

En février 2008, alors que la controverse est réactivée par la mise en examen de deux laboratoires, à la tête de la Direction générale de la santé (DGS), le professeur Didier Houssin tient à rassurer les personnes ayant été vaccinées contre l’hépatite B dans les années 1990, soulignant qu’il n’existe pas de risque « identifié » de développer une sclérose en plaques à cause du vaccin. « Sur un plan scientifique, il n’a pas été démontré de lien entre cette vaccination et l’apparition de scléroses en plaques. Aujourd’hui, les bénéfices du vaccin restent largement supérieurs à ses inconvénients » (cité dans La Croix, 4 février 2008).

Le 24 février 2009, la direction générale de la santé (DGS) dévoile son “plan national de lutte contre les hépatites virales B et C 2009-2012 “. «Nous devons restaurer la confiance dans la vaccination », affirme Didier Houssin, directeur général de la santé (cité dans Le Monde, 25 février 2009). Le plan, qui s’adresse essentiellement aux médecins, vise à la promotion d’un dépistage jugé très insuffisant, ainsi qu’à l’augmentation de la vaccination des nourrissons et personnes exposées.

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