En bref

Il est relativement difficile d’évaluer le nombre de malades de SEP qui pensent que la vaccination contre l’hépatite B a causé leur maladie. Les malades sont persuadés de la responsabilité du vaccin contre l’hépatite B dans leur maladie : il s’agit pour eux d’un produit potentiellement dangereux puisqu’il cause de nombreuses pathologies graves (et pas seulement des scléroses en plaques). D’autre part, le fait que la vaccination ait été pratiquée avant l’apparition des symptômes prouve bien l’imputabilité de leur maladie au vaccin, d’autant plus qu’ils étaient en parfaite santé auparavant. Les malades ne se placent pas du tout dans une logique collective de comparaison bénéfice/risque : ils considèrent que dans leur cas propre, la vaccination est la cause certaine de leur maladie. Enfin, les malades mobilisent une « causalité critique », qui met directement en cause la responsabilité des systèmes de santé et des laboratoires pharmaceutiques.

La causalité chez les malades repose sur l’agrégation de cas d’affections variées et sur une temporalité qui suggèrent la responsabilité du vaccin anti-hépatite B.

Les malades démontrent que la responsabilité du vaccin en s’appuyant sur « une causalité par agrégation », qui expose les maladies variées que provoquerait la vaccination

On note en premier lieu une « causalité par agrégation » de cas de maladies considérées comme des « effets secondaires post-vaccinaux » (REVAHB). L’association REVAHB a contribué à permettre aux malades de considérer l’importance de leur nombre en les réunissant. REVAHB affirme ainsi que plus de 3000 malades se sont déclarés auprès d’eux. La pharmacovigilance recense également les cas litigieux mais ne communique très peu sur ces chiffres puisqu’elle considère que le lien de causalité n’a pas été prouvé, et que ces cas ne sont donc pas forcément imputables au vaccin.

Des maladies très variées ont été recensées. Les principales affections recensées au sein du REVAHB sont des maladies neurologiques (60%). Les scléroses en plaques (SEP) représentent l’éventualité la plus fréquente (plus du tiers des personnes). D’autres maladies neurologiques plus rares sont aussi recensées : myélite (inflammation de la moelle épinière), maladie de Guillain Barré (paralysie des nerfs périphériques des membres), sclérose latérale amyotrophique (SLA), névralgie amyotrophique de l’épaule, surdité brusque… mais aussi des affections neurologiques atypiques ou inclassables, non moins invalidantes, comme la myofasciite à macrophages ou la fibromyalgie. L’autre groupe important de complications post-vaccinales est représenté par des  maladies dites « auto-immunes » (23 %) : lupus (trouble sévère de l’immunité), périartérite noueuse, polyarthrite rhumatoïde, maladies thyroïdiennes, maladies digestives, diabète insulinodépendant, syndrome de Gougerot-Sjögren (le patient produit des anticorps contre ses propres tissus). Des affections ophtalmologiques spécifiques ont aussi été décrites : uvéite (inflammation d’une membrane de l’œil), occlusion de la veine centrale de la rétine… ou des maladies hématologiques à type de thrombopénie (baisse des plaquettes) ou d’aplasie médullaire (raréfaction de la moelle osseuse). Recenser les nombreuses maladies qui se seraient déclenchées du fait de la vaccination contre l’hépatite B permet donc de démontrer que le vaccin provoque de nombreux « effets secondaires » graves : la sclérose en plaque ne représente pas un cas isolé.

Le délai entre la vaccination et l’apparition des la maladie prouve le lien de causalité

De plus, les malades utilisent une « causalité temporelle ». Selon eux, les maladies dont ils souffrent sont liées au vaccin anti-hépatite B car elles sont apparues après la vaccination. Il faut noter que les malades ne vont pas considérer que la période entre la vaccination et l’apparition des premiers symptômes d’une maladie neurologique ou auto-immune doit forcément être courte. Alors qu’en justice par exemple, les juges vont établir une forte probabilité de lien seulement si les symptômes apparaissent dans les quelques mois après le vaccin, les malades considèrent souvent un lien très probable, même si les symptômes surgissent quelques années après la vaccination. La période retenue est donc bien plus large. Par ailleurs, la causalité temporelle est aussi utilisée afin de montrer les conséquences de la vaccination dans leur vie quotidienne. Les malades vont généralement insister sur le contraste avant/après la vaccination pour montrer combien cet acte médical, qu’ils ne jugent souvent pas comme indispensable, leur a été néfaste.

Les malades affirment qu’il existe un lien de causalité certain entre le vaccin et la SEP en mobilisant une « causalité critique » (dénonciation du système de santé)

La certitude personnelle d’un lien de causalité (logique individuelle)

Selon beaucoup de malades, la non-reconnaissance officielle d’un lien de causalité entre le vaccin et la sclérose en plaques entre en contradiction avec leurs expériences personnelles. Ils s’expriment en faveur d’un lien certain entre le vaccin et la maladie dont ils souffrent, en exprimant une logique purement individuelle. Les bénéfices collectifs du vaccin ne les intéressent pas, et son bénéfice individuel est pour eux totalement absent, puisqu’ils considèrent que c’est le vaccin qui a déclenché leur maladie. Ils font ainsi un lien certain entre la vaccination et leur maladie, puisqu’ils se portaient bien auparavant : c’est donc encore le lien temporel, qui leur permet d’appuyer cette certitude d’un lien de causalité. Et même si des antécédents familiaux indiqueraient une prédisposition, les malades expliquent que le vaccin a accéléré le processus de poussées de sclérose en plaques et leur a été néfaste. Dans certains cas, les « victimes » sont également la famille des malades qui sont décédés des suites de la sclérose en plaques. Dans ces cas là également, l’expérience individuelle les pousse à défendre un lien de causalité certain.

La mise en cause du système de santé et des laboratoires pharmaceutiques

Dans la plupart des cas, les malades mobilisent une causalité critique, en mettant en cause le système sanitaire actuel et les institutions publiques. Dans un communiqué du 16 mars 2009, intitulé « Manifeste des victimes du vaccin contre l’hépatite B », provenant d’un collectif d’associations de malades, on note la présence d’une critique des autorités sanitaires qui « ont discrédité » l’étude de Marc Tardieu, alors que celle-ci montrait un risque du vaccin anti-hépatite B dans un sous-groupe d’enfants malades. Ce communiqué continue en expliquant que « des études significatives ont été écartées, des données chiffrées ont été présentées de façon mensongère, des informations sur les effets secondaires du vaccin ont été dissimulées, etc. ». Certes, ce communiqué ne saurait représenter le discours de tous les malades. Cependant, dans les interviews des malades publiées dans les médias, on croise à nouveau cette causalité critiquant le système sanitaire ainsi que les laboratoires pharmaceutiques. Par exemple, une infirmière niçoise a déclaré dans le journal Nice Matin du 5 février 2008, les laboratoires pharmaceutiques « m’ont enlevé ma vie, ils m’ont tuée, c’est ignoble et inhumain, ils le savaient mais ne voulaient pas l’admettre ». La critique porte également sur les professionnels de santé. Cette infirmière niçoise explique ainsi : « Je ne crois plus en la médecine », « Je veux que les médecins, comme les juges, reconnaissent enfin qu’il existe bien un lien de causalité entre le vaccin et la sclérose en plaques ». Les exemples de critiques du système de santé et des laboratoires sont nombreux dans les discours des malades.

Cependant, les malades n’admettent pas d’être considérés comme porteurs de messages anti-vaccinaux ou sectaires. La causalité critique a été notamment une réponse à ce qui avait été considéré comme un refus obtus de la part des autorités de les prendre en compte, surtout au début de la controverse, quand le gouvernement niait l’existence d’un lien de causalité quel qu’il soit. Ainsi, en 1998, quand Bernard Kouchner affirme qu’«il y a là une manifestation parfois sectaire, je pèse mes mots, qui vient parfois d’un certain nombre de sectes contre la vaccination» (cité dans Libération le 5 janvier 1998), des victimes se sont opposées à cette affirmation qui vise à assimiler les gens qui voient un lien de causalité à des fanatiques. Les victimes refusent également d’être étiquetées comme porteuses de rancœur. Elles expliquent simplement que justice doit être faite, et que pour cela, le lien de causalité entre le vaccin anti-hépatite B et la sclérose en plaques doit être officiellement reconnu.

Leurs moyens d’expression

Les malades expriment leur position à travers plusieurs intermédiaires. Ils sont notamment représentés par des associations, telles que REVAHB, qui prennent position pour les considérer comme des victimes du vaccin contre l’hépatite B. Des associations de médecine douce et des associations anti-vaccinales représentent aussi pour partie le discours des malades, en défendant un lien de causalité entre leurs maladies et le vaccin anti-hépatite B à travers une logique individuelle. Les malades ont aussi l’occasion de prendre la parole en justice, quand ils demandent par exemple des indemnités aux laboratoires, qu’ils accusent d’être à l’origine de leur maladie. L’avocate Gisèle Mor, qui a défendu de très nombreux dossiers de ce type, prend donc souvent la parole au nom des malades. Enfin, les malades peuvent être visibles à travers les médias. A chaque affaire de justice notamment, les malades expliquent dans les médias leur position. Les médias sont donc un intermédiaire important pour diffuser le discours des malades.

Vers l'acteur suivantVers l'acteur précédent

Vers la carte de la controverse

Vers la carte de la controverse