En bref

En bref : La position des médias par rapport au vaccin contre l’hépatite B évolue avec le « refroidissement » de la controverse. Au début, les médias créent avant tout un lien de causalité concret à l’échelle individuelle. De plus, ils utilisent une causalité critique qui accuse le gouvernement et les laboratoires de cacher la vérité sur le vaccin. Cependant, et de plus en plus au court du temps, les médias s’appuient sur une causalité statistique à l’échelle collective en reprenant les arguments des experts et des autorités sanitaires.

Au début de la controverse, les médias affirment l’existence un lien de causalité concret à partir de faits précis et individuels.

La reconnaissance d’un lien de causalité à partir de cas concrets

Dès 1997, les médias relayent le message de l’association REVAHB qui veut faire reconnaître au public le statut de victimes des personnes qui ont contracté des maladies neurobiologiques telles que la sclérose en plaques après s’être faites vacciner. Parmi les médias, il y a une différence entre ceux qui nuancent le terme de « victime » revendiqué par le REVAHB, et ceux qui le reprennent tel quel. Par exemple, Libération utilise le terme « victime » en mettant des guillemets. D’autres, tels que Le Figaro, Le Progrès, Le Point ou Sciences & Vie reprennent totalement le terme victime et se font les relais des revendications de REVAHB. Par exemple, Le Progrès du 11 février 1997 écrit « Les effets secondaires ne sont toujours pas reconnus officiellement ». En avril 1998, Sciences & Vie écrit que « La vaccination contre l’hépatite B entraîne des effets secondaires souvent redoutables, dont les cas se multiplient. »

Le lien de causalité par accumulation des cas

Dès ce moment, certains médias vont commencer à créer eux-mêmes l’idée d’une relation de causalité entre les vaccinations et les poussées de scléroses en plaques en présentant l’accumulation de cas de maladies contractées après la vaccination par certaines personnes, en reprenant les données du REVAHB. Par exemple, Sciences & Vie évoque « un large éventail de pathologies », ce qui est repris dans Le Progrès, Le Figaro, et aussi le livre d’Eric Giacometti. De plus certains journaux, tels que Le Progrès, font un rapport direct entre ces maladies qualifiées d’ « effets secondaires », et les millions de Français vaccinés.

Une échelle de causalité individuelle

Par ailleurs, le terme « victime » va se développer dans les médias grâce à des exemples concrets qui jouent sur l’émotion, ce qui marque l’intérêt des médias pour des faits ponctuels concernant des individus bien identifiés. Ainsi, Le Point du 30 septembre 2004 titre : « La tragique histoire de Sarah ». C’est souvent à l’occasion d’une plainte d’un malade qui attaque l’Etat ou un laboratoire en justice que les médias reviennent sur la controverse. En racontant des cas précis de malades de scléroses en plaques et en rapportant leur parole qui s’indigne contre le vaccin contre l’hépatite B, les médias ont encouragé un discours qui défendait le lien de causalité à l’échelle individuelle.

Les médias utilisent aussi une causalité critique qui accuse le gouvernement et les laboratoires de cacher la vérité sur le vaccin.

Parfois, les médias se font également porteurs d’un message qui vise à découvrir la vérité, en reprochant aux autorités sanitaires et aux laboratoires de vouloir minimiser ou même cacher la vérité sur les effets secondaires du vaccin contre l’hépatite B. L’argument de la théorie du complot va donc parfois se propager dans les médias et servir leur positionnement qui se veut honnête. Par exemple, Le Progrès du 11 février 1997 titre « Hépatite B : les victimes veulent la vérité sur le vaccin ». Ou alors le journal de 20 heures du 23 mars 1998 se demande : « Pourquoi ce mensonge ? » concernant l’argument de la salive comme mode de contamination lors de la campagne de vaccination. De plus, on note un rapprochement dans certains articles avec l’affaire du sang contaminé, tels que l’article de Sciences & Vie d’avril 1998 qui pose la question : « Une affaire de l’ampleur du sang contaminé risque-t-elle d’éclater bientôt ? ».

Cependant, et de plus en plus au court du temps, les médias s’appuient sur une causalité statistique à l’échelle collective en reprenant les arguments des experts et des autorités sanitaires.

La causalité par référence

Cependant, les journaux reprennent aussi le discours des autorités sanitaires favorable au vaccin. Et dès leur publication, les médias font leurs titres avec les résultats des études scientifiques favorables au vaccin. Par exemple, début février 2001, deux études publiées dans le New England Journal of Medicine sont largement réutilisées pour constituer des articles dans les principaux quotidiens nationaux, tels que Le Monde, Libération, Le Figaro et Le Parisien. Les médias rapportent ainsi les études scientifiques qui concluent régulièrement à des résultats statistiquement non significatifs. Ces études peuvent être l’objet d’un article entier ou être simplement rappelées afin de décrire l’avancée des études scientifiques dans le cadre d’un article évoquant un malade atteint de sclérose en plaques qui demande réparation devant la justice.

Une causalité statistique qui met en valeur l’absence de preuve

Certains journaux vont même plus loin lorsqu’ils évoquent les études statistiques, en optant pour des titres tels que « Deux études innocentent le vaccin controversé » (Le Figaro), et en insistant sur l’absence de preuve d’un lien de causalité, alors que les études concluent aussi à l’impossibilité d’exclure un risque faible. Dans leur recherche de synthèse, certains médias tendent parfois à créer des raccourcis afin de communiquer l’idée générale qui est que l’on ne peut prouver un lien de causalité, même si en réalité on ne peut pas prouver l’absence d’un lien non plus. Pour autant, ces raccourcis ne sont pas systématiques ni même constants au court du temps. Et l’idée de l’existence d’un risque faible a été rapportée de plus en plus fréquemment au fil du temps, notamment à travers des témoignages d’experts et des autorités sanitaires. Ce risque faible tend à être minimisé dans les journaux, qui font de plus en plus référence à la logique collective des autorités sanitaires avec le temps.

Une échelle de causalité collective

Par ailleurs, on peut noter la médiatisation de l’étude du professeur Hernan en 2004, qui montre pour la première fois un lien statistiquement significatif. Car, même si cette nouvelle a fortement été reprise médiatiquement, les journaux ont tout de suite rapporté les doutes des autorités sanitaires face à la validité de cette étude, notamment les critiques de l’OMS. De même, quand l’étude du professeur Tardieu remet en cause le vaccin Engérix B pour une sous-catégorie d’enfants malades en 2008, les médias tendent à mettre en valeur la logique bénéfices-risques, avec l’idée que le vaccin demeure un bénéfice majeur. Ils reprennent ainsi les chiffres de la vaccination contre l’hépatite B en France, en montrant qu’elle est faible, et ils insistent sur les dommages collectifs subis par l’hépatite B.

Les médias doivent également faire face à de très nombreuses critiques, notamment de la part d’une partie de la communauté médicale.

Les médias sont régulièrement accusés d’attiser la controverse de manière malhonnête. De nombreux médecins, s’exprimant notamment au travers de publications scientifiques, dénoncent le fait que les médias ont largement communiqué sur la responsabilité du vaccin dans la survenue de la sclérose en plaque, sans remettre en cause la validité d’un tel lien de causalité. Certains médecins critiquent le fait que les médias concluent directement à un lien de causalité entre le vaccin et la SEP après les différents procès, alors même que la « causalité juridique » développée par les différentes Cours de justice est très critiquable. En 2008, la Commission des maladies infectieuses et parasitaires de l’Académie nationale de médecine regrette « une campagne médiatique sur les effets adverses graves de la vaccination contre l’hépatite B […] à la suite de la mise en examen des laboratoires producteurs du vaccin. Bien qu’elle concerne leur action publicitaire en 1994, l’accent est mis, par les médias, sur la responsabilité du vaccin dans la survenue de cas de sclérose en plaques ».

La communauté médicale juge que certaines réactions médiatiques sont épidermiques et irréfléchies, puisqu’elles ne prennent pas en compte l’énorme impact qu’elles peuvent avoir en termes de recul des vaccinations contre l’hépatite B. Ainsi, au lendemain de la suspension de la vaccination systématique contre l’hépatite B en classe de sixième (1er octobre 1998), le Parisien Libéré titre en première page : « c’était donc vrai, le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaque ». Pour les médecins, les médias sont friands de ce genre de raccourcis médiatiques « chocs » et évoquent -« une certitude de journalistes ravis par l’aubaine d’une nouvelle affaire de responsabilité médicale » (Sicard, 1999, Revue de Médecine interne). Pour de nombreux médecins, l’intérêt des médias pour cette controverse tient à la sclérose en plaque et à la peur qu’elle suscite chez les gens : la Sep « focalise, comme toutes les autres maladies médiatiques, toute les inquiétudes par sa sémiologie en patchwork » (Sicard, 1999, Revue de Médecine interne).

Néanmoins, ces critiques peuvent être relativisées par le fait que la communauté médicale obtient régulièrement la parole dans les médias, notamment à l’occasion de publications d’études scientifiques ou de rapport des autorités de santé, comme cela a déjà été dit précédemment.

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