Interview d’Eric Giacometti
Compte-rendu de l’interview d’Eric Giacometti le 1er mai 2009 dans son bureau au service de l’Economie du Parisien |
Eric Giacometti a été recruté par Le Parisien alors qu’il avait fait des recherches sur le vaccin Hépatite B. Cela lui a permis d’intégrer le service investigation du Parisien il y a dix ans. Désormais, il est à la tête de la section Economie du Parisien.
Sur quoi vous êtes-vous basé pour analyser le lien de causalité ?
Eric Giacometti : Sur trois éléments : Les victimes qui m’ont contacté ; les réunions d’alerte de l’Agence du médicament qui correspondaient à une hausse des déclarations de SEP relayées par les médecins ; et enfin aux notices des vaccins qui ont été modifiées pour inclure une liste d’effets secondaires beaucoup plus longue incluant la SEP.
Par ailleurs, j’ai fait des recherches à la bibliothèque de médecine à Odéon, et j’y ai trouvé quatre-vingt publications scientifiques et médicales dans lesquelles des spécialistes observaient des manifestations de maladies neurologiques avec un risque fort de lien avec le vaccin HB.
Comment expliquer le lien de causalité entre le vaccin HB et la SEP ?
Eric Giacometti : Les études épidémiologiques ne démontrent rien. Soit elles concluent sur l’absence de faits indésirables, soit elles ne concluent que sur une suspicion de lien, et en raisonnant par sous-groupes (ex : la SEP touche plus les femmes, et plus dans le nord…).
Comment dès lors affirmer le lien autrement ?
Eric Giacometti : Le critère d’imputabilité a été utilisé pour affirmer un lien de causalité. L’idée est que si quelqu’un prend un médicament (ou reçoit un vaccin) et qu’il apparaît des effets secondaires ou des symptômes juste après la prise, on peut penser qu’il y a un lien. On sait que tous les médicaments ont des effets secondaires. En fait, pour être efficaces, les médicaments ont forcément des effets secondaires sur certaines personnes. C’est pourquoi dans les grandes affaires où des malades montrent des effets secondaires graves, on retire les médicaments du marché, sans besoin d’une étude épidémiologique. Les médecins sont loin de tous connaître ce principe, qui est plutôt utilisé par les pouvoirs publics et l’Agence du médicament.
Quelles sont les études scientifiques sur le lien de causalité ?
Eric Giacometti : Des études statistiques (recensement du nombre de malades), des publications mondiales et des études de spécialistes. Mais aucune étude d’ordre biochimique n’explique ce qui se passe sur le plan biologique. Ce genre d’études est à la charge des laboratoires, et ne sont effectuées qu’au moment de mettre au point le vaccin. Il n’y a pas d’études indépendantes, après que le vaccin ait été préparé et mis sur le marché. On ne revient pas sur des tests biochimiques pour comprendre les raisons des effets secondaires produits. Ce devrait être à la Commission de pharmacovigilance de refaire un test sur le vaccin HB pour comprendre le lien possible avec la SEP. Mais, ils ne le font pas : ils vous diront qu’il faut l’accord du ministère de la santé. Or celui-ci préfère retirer un médicament avec des effets secondaires (ou dans notre cas ne pas obliger à la vaccination) que refaire une étude biochimique. Du coup, il n’y a pas de recherches fondamentales sur le sujet.
Ce problème d’effets indésirables est un problème majeur dans l’industrie pharmaceutique. Au lieu de dire au gens clairement qu’il y a un risque avec tel vaccin, ils ne disent rien (c’est juste écrit sur la notice), car ils ne veulent pas affoler les gens. Au fond, ils ne veulent pas les responsabiliser.
Pourtant une solution serait de donner le médicament à ceux qui en ont vraiment besoin. Dans le cas du vaccin anti-hépatite B, il aurait été plus efficace de vacciner en priorité les gens à risque, tels que les toxicomanes et les gens à partenaires sexuels multiples, plutôt que de vacciner massivement dans les collèges. Donc l’idée serait de donner moins de médicaments et responsabiliser les gens en communiquant sur les effets secondaires.
Vous condamnez l’absence de vérification scientifique ?
Eric Giacometti : Au final, ce sont les labos qui ont gagné à l’affaire avec un vaccin anti-hépatite B à 130 francs la dose. Ils ont créé un nouveau type de vaccin avec de la levure transgénique (avant on prenait le sang de gens contaminés).
L’OMS prône une politique de vaccination mondiale. Mais elle travaille avec les labos, il y a trop de liens financiers. Et l’OMS a laissé faire une énorme campagne de vaccination au nord, alors que c’est dans les pays du sud que le vaccin est vraiment nécessaire. L’OMS n’a même pas incité les labos à utiliser le profit qu’ils avaient fait au nord pour donner des vaccins au sud.
Que pensez-vous des discours anti-vaccination ?
Eric Giacometti : Je les condamne. Il faut dépassionner le débat. Il y a des « pseudo » revues médicales qui voient un lien et sont contre les vaccins en général. Toute la solidité d’une position repose sur les preuves qui la soutiennent.
Que pensez-vous de la mise en examen de deux laboratoires ?
Eric Giacometti : Selon moi, cela n’aboutira pas, comme toutes les grandes affaires de santé publique. Je ne vois pas l’intérêt d’avoir mis en examen les laboratoires, ni d’avoir demandé la mise en examen de trois ministres, car ce n’était pas un crime voulu. En revanche, le pénal peut être utile dans le sens où l’on peut faire une enquête. Et, les victimes veulent que les laboratoires payent. Depuis, les laboratoires font plus attention, et c’est la même chose pour la commission de pharmacovigilance de l’Afssaps.
Connaissez-vous des associations plutôt en faveur d’un lien de causalité mais pas anti vaccinales ?
Eric Giacometti : Oui, REVHAB. Elle est presque inexistante sur le plan médiatique aujourd’hui. Mais à l’époque, entre 1997 et 2001, elle était très visible et a beaucoup contribué au débat. Une autre association modérée est celle de Patricia Baslé, qui propose une expo de peintures sur les victimes de sclérose en plaques. Egalement, il y a la revue de médecine douce qui a une démarche militante mais pas antivaccinale, L’Impatient. Pour eux, il faut se vacciner si c’est vraiment nécessaire.